Spectrographe Alpy 600 Performances Christian Buil Le spectrographe Alpy 600 est un instrument d'une souplesse d'usage considérable. Il permet de s'initier aux diverses facettes de la spectrographie astronomique en suivant une démarche progressive si on le désire. Il est par exemple possible d'observer visuellement le spectre de différentes sources, dont celui d'étoiles ou nébuleuses brillantes au foyer d'un télescope. Dans sa version de base, le système Alpy 600 ne pèse que 300 grammes environ et il se fixe directement à l'avant des caméras CCD modernes à court tirage. Les caractéristiques du spectrographe Alpy 600 ont été spécialement calculées pour pouvoir saisir en une seule pose l'ensemble du spectre visible (depuis le bleu profond jusqu'au rouge profond) à partir d'une caméra disposant d'un capteur faisant 8 à 9 millimètres de large (par exemple le populaire capteur CCD Sony ICX285AL qui équipe la caméra Atik314L+). En option, il est même possible d'utiliser un appareil photographique numérique comme détecteur. Pour en savoir plus sur l'offre commerciale Alpy 600, consultez le site Shelyak Instrument. Vous pouvez voir aussi les résultats de la première lumière ici. Le spectrographe Aply 600 est certes un très bon outil pédagogique, mais aussi un instrument de haute précision. Il affiche en effet des performances élevées dans sa catégorie (basse résolution, R = 600 @ 650 nm) et sous bien des aspects, il n'a rien à envier à celles des spectrographes professionnels. La seule différence par rapport à ces derniers est que Alpy 600 est optimisé pour être employé sur des télescopes de taille standard pour les amateurs. Pour fixer les idées, la gamme d'usage caractéristique va de petite lunette apochromatique de 80 millimètres de diamètre jusqu'à un télescope de 500 mm de diamètre. Cela dit, le spectrographe Alpy 600 a été utilisé avec un certain succès sur un télescope de près de 1 mètre lors des tests de mise en route et un diamètre encore plus grand est tout à fait envisageable si on accepte de dégrader la résolution spectrale de base de R = 600 (ce qui ce traduit techniquement par un simple changement de largeur de fente d'entrée). Pour une exploitation intensive dans un contexte d'observation à caractère scientifique, l'emploi du module optionnel de guidage du système est sans doute indispensable. Le coût de cette option est approximativement celui du module de base, ce qui a pour effet de multiplier par deux le prix du spectrographe si on s'équipe de cette manière. Mais même dans ces conditions, le prix global apparaît raisonnablement bas compte tenu des performances affichées et de la facilité d'utilisation conférée au dispositif. Dans ma situation personnelle, où j'observe dans un observatoire quasi urbain, avec un ciel très fortement dégradé par la pollution lumineuse, l'usage d'une fente étroite et d'un système de guidage performant est tout simplement indispensable. C'est même ce qui me permet de faire de l'astronomie en ville, avec en prime la capacité d'effectuer un travail de recherche (c'est l'un des grands attraits de l'observation spectrographique !). Un module d'étalonnage peut aussi compléter le système (spectral et flat-field). Il est sûrement moins indispensable sur un instrument d'amateur (par exemple le flat-field peu être réalisé en éclairant en lumière blanche la pleine pupille du télescope au travers d'un diffuseur), mais il offre une facilité d'usage qui très bien venue en routine, où si on souhaite automatiser le processus d'acquisition. L'allure du système Alpy 600 au grand complet (module de base, module de guidage et module d'étalonnage) au foyer Newton f/3,9 du télescope Takahashi CN212 (diamètre de 200 mm environ). Caractéristiques principales :
Magnitude V limite atteinte en fonction du télescope pour une étoile de type spectral A0V, un rapport signal sur bruit de 10 (par FWHM) et un temps d'intégration de 1 heure fractionnée en 6 poses de 600 secondes chacune. Le seeing est supposé être de 3 secondes d'arc. La caméra est un modèle Atik460EX utilisé en binning 2x2 (pixel binné de 9,08 microns). Module de guidage avec fente de 23 microns. L'étoile est au zénith. L'observatoire est supposé localisé en plaine, mais avec un ciel bien noir (magnitude limite visuelle de 6,0 à l'oeil nu).
Note 1 : réaliser l'exposition de 1 heure en une pose unique fait gagner environ 0,4 magnitude en détectabilité. Par exemple la magnitude limite avec un CN212 est alors évaluée à V=15,2 à 650 nm et V=16,6 à 450 nm. Note 2 : avec un télescope de D = 940 f/4, si la largeur de la fente est doublée (R = 300 environ) la magnitude limite est de V=18,0 à 650 nm et de V=19,4 à 450 nm pour une étoile de type spectral A0V.
Note 3 : pour obtenir la performance avec une caméra Atik314L+ exploitée en binning 2x2, retirer 0,2 magnitude en moyenne aux valeurs du tableau précédent.
La performance de l'instrument s'avère particulièrement élevée dans la partie bleue du spectre. Noter que la simulation est par ailleurs faite en supposant le spectrographe couplé à l'une des caméras les plus performantes disponibles pour les amateurs à un coût encore raisonnable, le modelé Atik460EX. Cette caméra offre un faible bruit de lecture (5 électrons typiquement), une caractéristique très importante en spectrographie. Le rendement quantique du CCD Sony ICX694AL qui l'équipe est par ailleurs élevé dans le bleu et le proche ultra-violet, une partie du spectre particulièrement intéressante astrophysiquement parlant. Une caméra plus économique comme la Atik314L+ donne avec Alply 600 des résultats qui demeurent excellents, avec une baisse de détectabilité que l'on évalue en moyenne à 0,2 magnitude environ (0,3 magnitude dans l'ultraviolet).
Une caractéristique très appréciable du spectrographe Alpy 600 est de pouvoir être utilisé avec des télescopes très ouverts, jusqu'à f/4 (bien sur Alpy 600 peut être couplé à des télescopes plus fermés). On peut par exemple associer le spectrographe avec la plupart des tubes optiques type Dobson ce qui permet de constituer un ensemble redoutablement efficace pour un coût raisonnable. L'intérêt de cette caractéristique unique est bien mis en évidence dans le tableau précédent : un télescope de 200 mm ouverts à f/3,9 égale un télescope de 280 mm utilisé à une ouverture de f/10 sur un critère de magnitude limite stellaire. L'écart se creuse même en faveur du télescope de 200 mm f/3,9 lorsqu'il est question d'observer des objets surfaciques, comme des nébuleuses gazeuses ou des comètes.
C'est ce que montre le test comparatif suivant, entre d'une part un télescope Celestron 11 f/6,4 et un télescope CN212 f/3,9 lors d'un observation de la nébuleuse Messier 57. Les figures suivantes sont des images en négatif et à haut contraste du spectre 2D après traitement et retrait du fond de ciel (Alpy 600 + module de guidage + module d'étalonnage + caméra Atik460EX pour l'acquisition science) :
Identification de quelques raies spectrales sur un spectre CN212 posé 6 x 600 s (60 minutes). La différence d'échelle est évidence suivant l'axe spatial (axe vertical) entre la configuration C11 et CN212. Elle est bien sur liée à l'écart de distance focale entre ces deux configurations : la distance focale est de 1800 mm avec le C11 et de 820 mm avec le télescope CN212. Les deux images ci-dessous montrent l'aspect de l'image de champs dans la caméra de guidage respectivement pour ces deux dispositions :
Images du champ lors de l'acquisition des spectres, à gauche avec le C11 (temps de pose de 30 secondes), à droite avec le CN212 (temps de pose de 60 secondes). La caméra de guidage est un modèle Atik313L+. Le fente d'entrée du module de guidage est le trait noir vertical qui coupe diamétralement l'image de la nébuleuse planétaire. La fente fait 23 microns de large. Elle est bien visible à cause du fond de ciel est extrêmement brillant qui caractérise mon observatoire (magnitude limite à l'oeil de 2,5). Lors de l'acquisition des spectres le guidage est réalisé avec un temps de pose de 1 seconde en utilisant une étoile assez brillante du champ (j'utilise le logiciel Audela pour l'acquisition des images science et l'autoguidage). En contrepartie du déficit de résolution spectrale, le spectre de la nébuleuse réalisé avec le CN212 apparait plus dense que celui obtenu avec le C11, alors que le télescope est plus petit. C'est bien sur la luminosité du couple CN212 / Alpy 600 qui fait ici la différence. Entre les raies [Ne III] 3868A et [OII] 3727 A, le spectre CN212 montre plus nettement un ensemble de raies très faibles (raies de l'hydrogène H9 3835A, H10 3798 A et H11 3770 A). Qui plus est, malgré le faisceau très ouvert qui entre dans le spectrographe (f/3,9), la finesse du spectre n'est que faiblement altérée par les aberrations optiques liées à l'ouverture (on mesure à f/3,9 un pouvoir de résolution de R = 550 environ à 6500 A avec la fente de 23 microns). Le spectrographe Alply 600 devrait par exemple être particulièrement efficace lors de l'observation de la raie du CN présente dans le spectre des comètes dans l'ultraviolet (vers 3880 A) en association avec des télescopes très ouvert. Noter que le spectre l'étoile centrale (V = 15,2) est visible dans les deux situations, mais avec un petit avantage au C11, comme le laisse entendre le tableau donnant la performance en magnitude stellaire limite. Le spectre de cette naine blanche est très bleu. Noter encore la séparation à la limite des composantes du doublet [O II] infrarouge à 7319 A et 7330 A, ce qui confirme le pouvoir de résolution de R = 600 du spectrographe Alpy 600. Ci-après le spectre d'un objet très lointain, celui du quasar 1821+642, saisi par le spectrographe Alpy 600 associé à un télescope Celestron 11 f/6,4. La cible est de magnitude 14,2 et donc tout à fait à la portée de cet équipement en posant de l'ordre d'une heure.
Le profil spectral du quasar 1821+642. Le décalage vers le rouge mesuré à partir de la raie interdite de l'oxygène est z = 0.297, soit exactement la valeur trouvée dans les catalogues (source CDS). A l'usage, l'une des forces de Alpy 600 est la très faible sensibilité aux déformations mécaniques. Cela vient du principe même du spectrographe : celui-ci est directement attaché à la caméra science par une liaison très rigide, elle-même indépendante de l'interface avec le télescope. Les flexions entre des parties critiques (flèches jaune dans la figure ci-après) sont donc minimes : Le déplacement constaté du spectre sur le détecteur pour des directions de visée extrêmes du télescope (zénith et horizon) est inférieur à 1 pixel (< 9 microns). Cette même stabilité ce retrouve d'un bout à l'autre d'une nuit d'observation. Le petit résidu peut provenir d'une torsion de la caméra (poids des câbles, ...) ou d'une légère variation d'indice du prisme interne (système grism) avec la température. Ce comportement sein de l'instrument rend son usage sur et très "presse bouton". La question sur les différences entre le spectrographe Alpy 600 et le spectrographe LISA (du même fabriquant) revient souvent. Je vais tenter d'apporter quelques réponses. L'écart entre ces deux produits se situe d'abord dans le pouvoir de résolution spectral (R). Il est d'environ de R=600 dans le rouge pour Alpy 600 et de R=900 pour LISA avec une fente d'entrée de 23 microns de large. La résolution peut même approcher R=1100 sur LISA en équipant ce dernier spectrographe d'une fente de 19 microns (fournie en standard). La seule fente actuellement livrée avec le module de guidage Alpy 600 fait 23 microns (compte tenu des caractéristiques optiques, le pouvoir de résolution d'un spectrographe Alpy 600 équipé d'une fente de 19 microns atteint environ R = 700). Dans le graphe ci-après, on compare le spectre de l'étoile Shelyak (beta Lyre) réalisé - (courbe rouge) avec un spectrographe LISA équipé d'une fente de 19 microns et monté sur une petite lunette astrographe FSQ-85ED. Le pouvoir de résolution est ici R=1100, proche du maximum pour cet instrument (spectre pris le 11/02/2012); - (courbe bleu) avec un spectrographe Alpy 600 équipé d'une fente de 23 microns et monté sur un Celestron 11 f/6,4. Le pouvoir de résolution est de R = 600 environ (spectre pris le 16/03/2013).
Le graphe suivant montre un détail des deux spectres de cette étoile de type Be. La supériorité en résolution specrale du spectrographe LISA est évidente (voir les fins détails dans les raies de l'hélium) : Le grandissement interne du spectrographe LISA est de 0,6x, alors que celui du spectrographe Alpy 600 est de 1x. Quelle est la conséquence de cette différence ? Supposons que dans l'on utilise un télescope ouvert à f/6,4. LISA agit comme un réducteur de focale avec un coefficient 0,6x et donc, le rapport F/D global de l'ensemble télescope + spectrograhe sera de 3,8 environ (6,4 x 0,6 = 3,8). Le rapport F/D global de l'ensemble télescope + Alpy sera en revanche de 6,4. La configuration LISA s'avère ici 2,8 fois plus lumineuse que la configuration Alpy 600 pour un même télescope lorsqu'on observe des objets à surface étendue, comme des nébuleuses (6,4/3,8 x 6,4/3,8 = 2,8). Le grandissement interne de 0,6x du spectrographe LISA permet aussi d'égaler la résolution spectrale du spectrographe Alpy 600 tout en élargissant la fente d'entrée jusqu'à 40 microns environ. Cela signifie qu'à performance identique en résolution spectrale, il est possible d'utiliser LISA sur de plus gros télescopes que Alpy 600 sans perte de flux au niveau de la fente (1,67 fois plus gros - soit un gain de 2,8 en flux, soit encore un gain d'un peu plus d'une magnitude, si bien sur on dipose d'un télescope de cette taille). LISA peut exploiter des caméras à fort tirage ou un appareil photographique numérique (DSLR) alors qu'il est nécessaire d'ajouter un composant optique sur Alpy (une solution moins efficace car le spectre est dilaté d'un facteur 2 environ, ce qui réduit la détectabilité par dilution du signal). La dispersion spectrale est plus linéaire sur LISA que sur Alpy 600, ce qui permet de réaliser avec le premier un étalonnage spectral plus simple et potentiellement plus précis. LISA intègre un mécanisme d'étalonnage complet en standard (cependant l'ajout du boitier source est une option). LISA offre aussi des facilités d'usage que n'a pas le système Alpy 600, comme le changement rapide de la fente ou une option infrarouge (par changement de réseau). D'une manière générale, LISA est plus particulièrement optimisé pour la partie rouge du spectre, voir infrarouge (une application est l'étude des surfaces planétaires gazeuses ou telluriques). Ces écarts de performances expliquent la différence de prix entre les deux produits. Le prix justement peu bien sur constituer un avantage fort du système Alpy 600 (même si l'option "guiding module" me semble recommandé pour un usage efficace après la phase de découverte). Le système Alply 600 est par ailleurs bien plus léger et compact que LISA, ce qui facilite son adaptation sur tout type de télescopes (peu de masse ajoutée, par de contrepoids supplémentaires). Alpy 600 peut-être monter sur un télescope ouvert à f/4 alors que la limite pour LISA est f/5. L'optique de Alpy 600 est particulièrement optimisée pour la partie ultraviolette du spectre (accès à la région spectrale comprise entre 3700 A et 3850 A, difficilement observable avec LISA, mais à condition bien sûr de disposer d’une caméra sensible à ce domaine). Ajoutons que le module d'étalonnage de Alpy 600 comporte une lampe spectrale type argon/néon/hydrogène, au contenu spectral plus riche que la lampe spectrale néon de LISA, ce qui facilité l'étalonnage spectral dans certaines circonstances. L'écart de résolutions spectrale de Alpy 600 par rapport à LISA cité au début de ce comparatif est un choix délibéré de conception (et non pas associé à un défaut optique). L'idée est d'abord de pouvoir utiliser Alpy 600 avec des caméras plus économiques (le spectre est physiquement moins long et donc le capteur CCD peut être plus petit). Ensuite, une résolution spectrale élevée n'est pas toujours la panacée. C'est le cas pour l'apprentissage par exemple, mais aussi pour des raisons scientifiques (la résolution spectrale de Alpy 600 est par exemple suffisante pour étudier en détail le spectre de supernovae, pour mesurer des redshift sur des objets lointains ou encore pour des travaux de spectrophotométrie sur nombre d’étoiles variables). Dans d'autres situations, une résolution supérieure sera au contraire recherchée. Rappelez-vous que le spectrographe universel permettant de tout observer de manière optimale n'existe pas ! Noter enfin que du côté du traitement des spectres, les données LISA et Alpy 600 (avec modules de guidage et d'étalonnage) sont exploitées de manière quasiment identique (même pipeline de traitement sous ISIS, par exemple). |