CARACTERISTIQUES SPECTRALES DU CANON EOS 40D MODIFIE
&
EVALUATION DU FILTRE ANTI-POLLUTION CLS ASTRONOMIK


PARTIE 1 : Caractérisation spectrale du Canon 40D

On évalue les caractéristiques spectrale du Canon EOS 40D après le retrait du filtre interne d'absorption infrarouge (cliquer ici pour plus d'informations sur le 40D exploité dans le cadre de l'imagerie faible flux). Le but de l'opération est d'accroitre la sensibilité dans le rouge, particulièrement à la longueur d'onde de la raie rouge de l'hydrogène, à 656 nm.

Normalement, avant de parvenir au capteur la lumière dans le boitier 40D traverse successivement :

- un filtre dit AntiAliasing (AA, ou anti-repliement en français). Ce filtre a pour fonction de brouiller légèrement l'image de manière à ce que la lumière d'un objet ponctuel soit distribuée sur plusieurs pixels de la matrice de Bayer (grille des pixels RVB). On évite ainsi des artefacts colorés à la bordure bien tranchée des objets. Dans le 40D l'élément est aussi mis en vibration par un système piézoélectrique pour elliminer les poussières. On appelle cet élément, le filtre #1.

- un filtre absorbant le rayonnement infrarouge. Ce filtre est indispensable car les pigments colorés rouge, vert et bleu de la matrice de Bayer sont transparent aux rayons infrarouges. Si ces rayons ne sont pas bloqués en amont, la balance du blanc est très difficilement faisable. C'est ce filtre, que l'on désigne par filtre #2, qui va être supprimé lors de la modification.

- un hublot de fermeture du capteur (ayant peut être des caractéristiques spectrales particulières ?).

La figure 1, extraite du livre blanc Canon, montre ces fonctions, mais il semble qu'elles soient distribuées de manière plus complexe que ne le laisse présager le schéma de base. En particulier, le filtre d'absorption IR possède une couche déphasante nécessaire pour que le filtre AA fonctionne nominalement. Le fait d'enlever cette partie de l'empillage, comme nous allons le faire, perturbe donc s'en doute l'efficacité du système AA (bien que rien de net ne soit constaté à priori lors des essais). Nous allons voir en outre, ce qui n'est pas indiqué dans la documentation Canon, que le premier éléments rencontré, le filtre #1, est probablement recouvert d'un traitement diélectrique qui participe au filtrage spectral;


Figure 1. Empilement des filtres optiques dans le Canon 40D. Document Canon.

Les figures 2 à 5 montrent quelques étapes de l'opération de défiltrage du boitier 40D.


Figure 2. L'ensemble filtres + capteur CMOS. Photo Richard Galli.


Figure 3. A gauche, le filtre #1 et le filtre #2 encore associés. A droite, le capteur CMOS avec
son hublot d'entrée de protection. Photo Richard Galli.


Figure 4. Les filtres #1 (en haut à gauche) et #2 (en bas à droite) désolidarisés. Photo Richard Galli.


Figure 5. Le filtre #2 détaché de son support. Noter la couleur légèrement verdatre. Ce filtre apparait immédiatement peu sélectif
spectralement et teinté dans la masse. Il évoque un filtre passe-bas ressemblant (grossièrement) à un Schott BG38. Cette pièce optique est très
mince (épaisseur de 0,65 mm). Photo Richard Galli.

Les caractéristiques spectrales ont été mesurées avec un spectrographe LORIS. On c'est servi de la lumière du jour pour réaliser les spectres de la figure 6, qui montrent la transmission spectrale du 40D dans deux configurations, ainsi que la transmission spectrale d'un Canon 350D entièrement déflitré comme référence . La source est donc très proche du spectre solaire. Les fins détails correspondent à des raies spectrales. Les spectres sont calculés en faisant la somme arithmétique du signal mesuré dans les canaux rouge, vert et bleu.

Les trois courbes de la figure 6 sont :

- En bleu, le spectre solaire observé avec un Canon EOS 40D non modifié. On note, entre-autre, la faible sensibilité relative au niveau de la raie de l'hydrogène à 6563 A (Halpha).

- En vert, le spectre obtenu avec un Canon EOS 40D modifié en retirant le filtre #2 d'absorption infrarouge. Le gain en sensibilité au niveau de la raie Halpha après cette modification est compris entre 3,0 et 3,2. On note par ailleurs une coupure nette de la transmission spectrale au delà de 6870 angstroms. L'appareil devient quasiment opaque à un rayonnement de longueur d'onde plus grande que cette limite.

- En touge, la réponse spectrale d'un Canon EOS 350D totalement défiltré (filtres AA et anti-infrarouge physiquement retirés). Jusqu'à 670 nm les courbes du Canon 40D modifié et du Canon 350D défiltré sont similaires. Cependant, au delà de cette longueur d'onde, la sensibilité spectrale du 350D modifié demeure effective. Elle correspond à celle du détecteur CMOS nu esposé à la lumière solaire, sans obstacle en avant de lui. C'est ce qui permet de faire de l'imagerie dans l'infrarouge "lointain" avec un tel 350D, comme le montre cette page.

 

Figure 6. Réponse spectrale au rayonnement solaire d'un Canon 40D standard, d'un  Canon 40D modifié en retirant le filtre numéro 2 et d'un Canon 350D totalement défiltré. Noter que la transmission spectrale du spectraphe n'est pas corrigée, aussi la réponse spectrale mesurée n'est pas strictement la réponse intrinsèque des boitiers. .En revanche, la réponse relative pour une longueur d'onde donnée entre les courbes est significative.

La figure 6 révèle que la réponse spectrale globale du détecteur du 40D modifié est altérée par un autre filtre spectral, toujours en place. En effet, malgré la modification, on ne retrouve pas la réponse spectrale du capteur Canon CMOS nu. Il est probable qu'un filtre passe-bande (multicouche diélectrique) est déposé sur l'une des faces du filtre #1 (la fonction filtre est peut être aussi distribuée sur le hublot de fermeture du capteur). Ce filtre coupe la réponse dans le bleu en deça de 410 nm et coupe la réponse au delà de 687 nm.

L'analyse des courbes précédentes permet d'avoir une idée de la transmission spectrale des filtres #1, #2, et du produit des deux (c'est-à-dire la transmission spectrale globale des filtres de blocage d'un 40D non modifié). Le calcul de ces courbes (voir la figure 7) est indirect et donc potentiellement peu précis. Cependant l'allure générale des transmissions spectrale est bien respectée. On trouvera plus loin une mesure directe du filtre #2, qui confirme ces résultats.

 

Figure 7. Respectivement de gauche à droite, la transmission spectrale estimée du filtre #1, du filtre #2, et du produit des filtres #1 et #2 (confIguration d'origine).

La figure 8 caractérise, par bandes spectrales, le Canon 40D modifié (retrait du filtre #2). Le graphe montre le spectre solaire observé dans chacun des canaux Rouge, Vert et Bleu. Cette figure permet de mesurer le taux de rejection de chaque bande élémentaire. On note que malgré la retrait du filtre #2, la remontée de la couche verte au niveau de Halpha est modeste, ce qui indique que l'on va observer une émission pure de la raie Halpha dans la bande R et uniquement celle-ci. C'est un bon point. On trouvera sur cette page une étude du rendement quantique absolu mesurée sur ce boitier.


Figure 8. Réponse relative des canaux RVB du Canon 40D après modification (retrait du filtre #2).
La position de quelques raies spectrales remarquables est indiquée.

Le filtre #2 seul a été mesuré de manière classique avec le spectrographe LISA (rapport d'un spectre avec le filtre et d'un spectre sans filtre) - voir la figure 9. Il est comparé avec des mesures simultanées de filtres teintés dans la masse KG3 et BG18. Il se confirme que le substrat du filtre #2 du Canon 40D est bien un verre teinté. Un équivalent peut être trouvé dans le catalogue Schott, les filtres BG38 et BG40 sont relativement proches notamment. Ceci permet d'envisager une solution relativement peu couteuse pour retrouver la balance du blanc de départ avec un appareil modifié (le filtre "froid" est placé alors en avant de l'objectif).


Figure 9. La courbe de transmission du filtre #2 du Canon 40D, comparé à celle des filtres SCHOTT KG3 et BG18.
Cliquer ici pour télécharger la courbe de transmission du filtre #2.

Commentaires

La modification du Canon 40D testée ici n'est que partielle, dans le sens où le filtre de coupure IR d'origine (#2) n'est pas remplacé par un filtre de substitution. Un filtre de remplacement, coupant l'infrarouge tout en laissant passer la raie Halpha, est disponible par exemple auprès de la société Baader, et plusieurs sociétés peuvent réaliser cette permutation de filtre pour vous, voir par exemple en bas de cette page. Dans l'esprit de la présente modification partielle, on a considéré que le filtre #1 de l'empillage Canon avait de fortes similitudes avec le filtre de remplacement habituellement utilisé : tout deux laissent passer Halpha en bloquant l'infrarouge. En quelque sorte, il y a double emploi d'ajouter un filtre de remplacement dans le cas du Canon 40D. Dans le détail, les modifications totale et partielle ne sont pas tout à fait équivalentes. Ainsi, il semble que le filtre Baader coupe plus vite l'infrarouge que le filtre #1 Canon (mais ce point reste à confirmer en confrontant des boitiers modifiés et partiellement modifés). Surtout, le fait de réaliser la modification totale (retrait du filtre #2 et mise en place d'un filtre Baader IRcut par exemple) permet de rendre l'autofocus fonctionnel avec les optiques photographiques pour un usage domestique du boitier (il faut tout de même en plus modifier la balance du blanc par vous même), ce qui n'est pas le cas avec une modification partielle (mais nous allons voir plus loin qu'il est possible de réaliser une mise au point manuelle, ce qui est le plus important en astronomie). Bien sur la modification partielle est un peu plus économique que la modification totale.

Précisons bien que les caractéristiques du 40D, même modifié partiellement (retrait du seul filtre #2, sans remplacement), permettent de réaliser de l'imagerie astronomique à partir d'optiques photographiques. Il faut en effet noter deux points importants :

1 - Après modification, une large part du rayonnement infrarouge est elliminé, on l'a vu, par le filtrage naturel interne du boitier (filtre #1 toujours en place). Les optiques photographiques peuvent êtres utilisées car on ne risque pas un chromatisme sévère (les optiques photos ne sont calculées que pour donner un spectre net pour les rayons lumineux appartenant au seul spectre visible). Il n'est donc pas obligatoire d'ajouter un filtre de coupure infrarouge externe, tout au moins pour les applications astronomiques. C'est  économique et simple.

2 - La faible épaisseur de verre du filtre #2 (e = 0,65 mm) fait que le tirage optique n'est modifié que de 0,23 mm environ après le retrait de celui-ci. Il s'avère que la capacité de focalisation de part et d'autre de la position infini des optiques Canon est suffisante pour rattraper ces 0,23 mm. En d'autres termes, même après le retrait du filtre #2, vous allez pouvoir faire la mise au point manuelle sur les objets du ciel avec vos objectifs favoris.

Il est intéressent d'avoir une idée de la perte effective de résolution liée à l'aberration chromatique, malgré tout accentuée du fait qu'après la modification, la longueur d'onde centrale équivalente de la bande R est déportée vers l'infrarouge. On peut aussi mesurer le gain en détectivité effectif au niveau de la raie de l'hydrogène. C'est ce que nous faisons avec les images du ciel profond de la figure 10.

La figure 10 donne à comparer un 40D standard et un 40D modifié. L'optique est un objectif Canon 85 mm f/1.2 série L, fermé à f/2. Le temps de pose est très bref (on n'a pas du tout chercher ici à faire de la "belle" image). Ces documents sont le résultat de la somme de 6 clichés exposés chacun 30 secondes. L'observation est réalisée en milieu urbain. Les images présentées sont projetées dans un repère cartographique commun pour une superposition parfaite (projection Hammer-Aitoff, voir ici pour des détails). La champ observé contient l'amas ouvert Messier 35.

 
Figure 10. A gauche, l'image réalisée avec un Canon 40D non modifié. A droite, l'image réalisée avec un Canon 40D modifié (retrait du seul filtre #2).
La balance du blanc n'est pas faite. Les images sont affichées à l'échelle de départ du format RAW. Les seuils de visualisation sont identiques. La perte de résolution liée à l'aberration chromatique est évidente dans l'image de droite, mais la bonne nouvelle est que cette dégradation demeure relativement modeste. La configuration est exploitable en l'état, avec une petite concession sur le piqué. Le 85 mm f:1,2 est une optique de très haute qualité, mais un résultat proche a été obtenu avec un canon 85 mm f/1,8 nettement moins couteux. On note la dominante verte caractéristique dans ces deux images. Mais cette dominante apparait moins sévère dans l'image de droite car l'apport d'un supplément de photons rouge re-équilibre un peu cette balance. C'est un bon point, comme l'indique  les images à suivre...

La figure 11 montre le travail à réaliser pour ajuster la balance du blanc.

 
Figure 11. A gauche, l'image réalisée avec un Canon 40D non modifié. La balance du blanc y est ajusté en multipliant la couche R par 2,0, la couche V par 1,0 et la couche B par 1,35 (nota : le flat-field est fait en pointant une table éclairante d'examen de diapositive, qui donne un éclairement type "lumière du jour"). A droite, l'image réalisée avec un Canon 40D modifié (retrait du seul filtre #2). La balance du blanc y est ajusté en multipliant la couche R par 1,4, la couche V par 1,0 et la couche B par 1,35. Le fait que le coefficient soit moins élevée pour la couche rouge est favorable à la réduction de la remonté du bruit dans cette bande.

 



Figure 12. La différence de l'image acquise avec un 40D modifié et de l'image acquise avec un 40D non modifié (après réalisation de la balance du blanc). La plupart des étoiles brillantes sont entourées d'un petit halot rouge, qui est la trace du défaut de chromatisme provoqué par le retrait du filtre #2. C'est la rançon à payer si on n'ajoute pas un filtre de réjection infrarouge supplémentaire dans le chemin optique.

 La figure 13 montre le comportement de la modification sur un objet nébulaire (voir par ailleurs ici une exploitation avec un filtre Halpha étroit).

 
Figure 13. La champ de la nébuleuse NGC 2174, non loin de Messier 35. A gauche, 40D non modifié, à droite 40D modifié. Comme attendu, l'émission Halpha de la nébuleuse ressort nettement mieux dans l'image réalisée avec le boitier photo modifié. Compte tenu de la balance du blanc choisie (R x 2,0 à droite et R x 1,4 gauche) et compte tenu que la sensibilité du 40D modifié à 656 nm est trois fois supérieure à celle du boitier non modifié, la nébuleuse est finalement deux fois plus intense dans l'image de droite que dans l'image de gauche.


PARTIE 2 : La réduction du fond parasite par filtrage spectral

L'usage des filtres anti-pollution est aujourd'hui très répandu. En filtrant sélectivement certaines régions du spectre, ces filtres peuvent elliminer efficacement les raies spectrales présentent dans la lumière de la plupart des lampadaires de l'éclairage public. On améliore ainsi le contraste des objets du ciel relativement au fond lumineux parasite. Le filtre CLS de la société Astronomik fait partie de cette famille de filtre anti-pollution. Son profil de transmission spectrale (voir la figure 14) est étudié pour bloquer les raies d'émission de lampes sodium haute pression (les lampes qui produisent l'éclairage à dominante jaune de nos villes) et les raies de vapeur de mercure (localisées dans le bleu-vert et dans le bleu principalement).


Figure 14. Courbe de transmission théorique du filtre CLS Astronomik (document Astronomik, voir
http://www.astronomik.com/english/eng_cls.html).
Dans ce graphique, les raies marquées en rouge correspondent aux émissions parasites que l'on désire bloquer, les raies figurées en vert
sont produites dans les nébuleuses (Halpha dans le rouge, OIII et Hbeta dans vert). Le filtre doit être transparant à ces dernières.

On teste ici l'efficacité du filtre CLS Astronomik dans le cadre de l'imagerie numérique avec d'une part, un appareil photo 40D standard (non modifié), et d'autre part, un appareill 40D modifié tel qu'indiqué dans la première partie de cet article. Le filtre s'insère juste en avant de la cavité reflex, comme le montre la figure 15. Le but est d'atténuer l'effet de la pollution lumineuse pour un programme de surveillance du ciel visant à détecter des objets nouveaux à partir de clichés grand-champ. En dehors des raies parasites, on désire donc que le filtre utilisé transmette un maximum de flux optique afin de disposer de la meilleure capacité de détection des étoiles. On ne s'interesse donc pas ici aux seules raies nébulaires traditionnelles. C'est en se sens que le filtre CLS Astronomik apparait attractif.


Figure 15. La position du filtre.

Le lieu de test est mon observatoire de Castanet-Tolosan, sévèrement pollué par un essemble de lampadaires boules équipés de lampes sodium haute pression (voir la figure 16). La signature du spectre du sodium domine très largement dans la lumière du fond de ciel. Les raies du mercure sont quasi absentes. L'exercice est interessent car il tente de démontrer que l'on peut réaliser un programme scientifique,  faisant qui plus est appel à des images grand-champ, depuis un point d'observation a priori très hostile. L'idée est de montrer qu'une seconde vie peut être donnée aux observatoires urbain à partir du moment où on optimise la chaine de détection.


Figure 16. Point de vue depuis mon observatoire "urbain" de Castanet-Tolosant (région toulousaine).
La magnitude limite à l'oeil est rarement meilleure que V=3.

La figure 17 montre l'action du fillte CLS sur un spectre de la lumière du jour (spectre solaire). L'appareil photo est un Canon EOS 40D modifié. La raie Hapha est comme prévu bien visible dans le rouge (la première raie sombre visible l'orsqu'on va de gauche à droite). Le spectre en haut de la figure 17 est réalisé sans le filtre de réjection de la pollution dans le trajet optique. Le spectre du centre est obtenu dans les mêmes conditions, mais cette fois en interposant le filtre CLS. L'action du filtre est immédiatement visible : la lumière solaire est bloquée entre 540 nm et 640 nm. Les rayons bleus extrèmes est aussi interceptés, pour des longueurs d'ondes plus courtes que 450 nm. A titre comparatif, la spectre en bas de la figure 17 montre le filtrage réalisé par un composant plus sélectif, le filtre UHC Astronomik. Nous ne retenons pas ce dernier, car certe, s'il isole bien les raies nébulaires, il retire aussi une trop grande proportion du flux stellaire.


Figure 17. Spectres de la lumière du jour réalisés avec un spectrographe LORIS et un 40D défiltré (retrait du filtre #2). En haut, le spectre observé
tel quel, au centre le même spectre observé au travers du filtre CLS Astronomik, en bas le filtre CLS Astronomik est remplacé par un filtre UHC Astronomik.

Les spectres de la figure 18 montrent ce qui advient lorsque la lumière provient du fond de ciel de nuit, depuis mon observatoire. Le spectre d'émission caractéristique d'une lampe au sodium haute pression est bien visible en haut. En ajoutant le filtre CLS (image en bas de la figure 18) l'essentiel de la lumière parasite est bloqué. Seules subsistes quelques faibles raies du sodium, en particulier vers 500 nm. Le filtre CLS est donc redoutablement efficace pour elliminer le fond parasite jaune de nos ville. On regrette cependant ici que le bleu profond soit lui aussi filtré, ce qui en l'espèce ne sert à rien, puisque la pollution lumineuse dans le cas présent ne montre pas de raies du mercure (les raies Hg à 436 nm, à 408 nm....). C'est autant de flux optique perdu pour la détection des étoiles.


Figure 18. En haut, le spectre du fond de ciel vu depuis Castanet-Tolosan (40D standard).
En bas, le même spectre après l'interposition du filtre CLS. L'effet est radical puisque l'écrasante majorité du flux artificiel
provenant du ciel est bloqué, avant qu'il n'arrive au détecteur. La sélectivité du filtre est
très bonne (pentes très raide) pour une efficaité maximale.

Le graphe de la figure 19 permet d'identifier les principales raies dans le spectre d'une lampe sodium.



Figure 19. Contenu spectral d'une lampe sodium haute presion.

On compare par la suite des prises de vue réelles acquises dans diversent conditions. La transparence de la nuit est considrée dans la moyenne de ce que peu fournir l'observatoire. Le point du ciel observé est situé 50° au dessus de l'horizon.

Le boitier photo est équipé d'un objectif Canon de 85 mm de focale, pouvant ouvrir jusqu'à f/1.2, mais diaphragmé à f/2 (c'est un compromis entre la qualité image, que l'on veut très bonne, et la luminosité). Le gain est réglé sur 200 ISO. Le temps de pose élémentaire est de 30 secondes, mais les documents analysés sont le résultat de l'addition de trois clichés élémentaires, d'où un temps de pose total de 90 secondes. C'est la procédure adoptée dans le cadre du programme du surveillance (on souhaite passer un temps minimum par champ, tout en ayant une magnitude relativement élevée et en essayant de réduire les fausses alertes, d'où le triplement des prises de vues). Le traitement des images est standard (offset, dark, flat-field). Les images sont soit exploitées comme des document couleurs (16 bits par canal), soit comme des images monochromes, réalisées en faisant la simple addition des canaux rouge, vert et bleu (mode nominal pour le survey).

Avec une optique aussi ouverte, le bande passante spectrale du filtre CLS n'est probablement pas exactement ce qui est montré sur la figure 14 (la transmission spectrale est fonction de l'angle d'incidence des rayons), mais l'écart ne doit pas être considérable..

Le tableau 1 donne le niveau du fond de ciel mesuré en pas codeur (en ADU dans les fichiers RAW, pour les pixels R, V, B et pour la somme des trois composantes colorées.

Tableau 1 : niveau du fond de ciel en ADU pour une pose de 90 secondes à f/2 et 200 ISO.

 

Canon 40D standard
sans filtre CLS

Canon 40D standard
avec filtre CLS

 

Canon 40D modifié
sans filtre CLS

Canon 40D modifié
avec filtre CLS

Canal rouge

1644 ADU

102 ADU

 

2445 ADU

246 ADU

Canal vert

1890 ADU

285 ADU

 

2190 ADU

291 ADU

Canal bleu

666 ADU

375 ADU

 

690 ADU

363 ADU

Somme

4200 ADU

762 ADU

 

5325 ADU

900 ADU

L'assombrissement du fond de ciel conféré par le filtre CLS Astronomik est considérable. En moyenne, la brillance de mon fond de ciel très pollué est réduite d'un facteur 5,5 avec un Canon 40D standard et réduite d'un facteur 5,9 avec un Canon 40D modifié (meilleure sensibilité dans le rouge).

Ce résultat spectaculaire doit être pondéré par le fait que, simultanément, la transmission optique pour la lumière des étoiles diminue aussi (le filtre retire des photons utiles, en particulier dans le jaune). Il faut donc surveiller en plus du niveau du fond de ciel, la transmission optique avec et sans le filtre CLS pour disposer d'un diagnostic complet.

Les images ont été réduite photométriquement de manière à déduire la constante des magnitude typique (la constante des magnitude est la magnitude d'un objet qui au bout du temps de pose produit un signal égal à un pas codeur i.e. 1 ADU). On a utilisé pour cela les magnitudes V extraites du catalogue Tycho 2. Les constantes des magnitudes approximatives trouvées pour les canaux RVB et le canal moyen (panchromatique) sont reproduites dans le tableau 2 (voir la procédure de réduction ici).

Tableau 2 : constante des magnitude pour une pose de 90 secondes à f/2 et 200 ISO.

 

Canon 40D standard
sans filtre CLS

Canon 40D standard
avec filtre CLS

 

Canon 40D modifié
sans filtre CLS

Canon 40D modifié
avec filtre CLS

Canal rouge

19.52

17.95

 

20.04

19.14

Canal vert

20.30

19.44

 

20.34

19.65

Canal bleu

19.88

19.50

 

19.87

19.68

Somme

21.12

20.32

 

21,26

20.68

On notera pour interpréter le tableau 2, que plus forte est la constante des magnitude, plus fort est le signal enregistré pour un temps de pose donné. Si on considère la somme des canaux RVB on remarque que l'introduction du filtre CLS fait perdre un flux équivalent à 0,80 magnitude avec un 40D standard et un flux équivalent de 0,58 magnitude avec un 40D modifié, soit respectivement une réduction du flux photonique de 2,1 et 1,7 fois..

Avec un 40D standard équipé d'un filtre CLS, alors que le fond de ciel est réduit d'un facteur 5,5, le signal des étoiles est atténué d'un facteur 2,1 (en bande spectrale large).

Avec un 40D modifié équipé d'un filtre CLS, alors que le fond de ciel est réduit d'un facteur 5,9, le signal des étoiles est atténué d'un facteur 1,7 (en bande spectrale large).

On peut montrer à la vue de ces résultats que le gain caractéristique en détectivité (observation des objets les plus faibles détectables) dans le cas du 40D standard est identique que le boitier soit équipé d'un filtre CLS ou non. La situation est un peu plus favorable pour un 40D défiltré et équipé d'un filtre CLS (l'atténuation du fond de ciel est plus rapide et le signal des étoiles est moins affecté). On peut espérer un accroissement du rapport signal sur bruit de 20% typique pour les objet faibles.

Ces résultats d'analyse sont confirmées par l'observation. La figure 20 montre des vues monochromes à haut contraste d'une région du ciel centrée sur l'étoile HD172006 (le nord est en haut), réalisées avec un Canon 40D standard sans le filtre CLS (à gauche) et avec le filtre CLS (à droite). Les seuils de visualisation sont identiques pour des deux images. Le fond de ciel est plus lumineux sans filtre CLS, d'où un bruit de signal plus important (la structure bruitée, granuleuse, du fond de l'image). En regard, l'image à droite, réalisée avec le filtre CLS, montre un fond de ciel plus lisse, peut être plus agréable. Malheureusement, les images stellaires sont aussi moins intenses dans cette dernière image. Au final, malgré des textures différentes pour ces deux images, la magnitude limite apparait proche dans les deux cas.


Figure 20. Champ de l'étoile HD172006 (pose de 90 secondes). A gauche, 40D standard sans filtre anti-pollution. A droite, 40D standard équipé d'un filtre CLS.

Le même type de comparaison est fait sur la figure 21, mais cette fois avec un Canon 40D modifié. Le fond de ciel dans l'image réalisée sans le filtre anti-pollution (à gauche) montre comme prévu un bruit de photon dans le fond de ciel relativement élevé. L'effet de l'atténuation du fond de ciel est bien mis en évidence sur l'image de droite, faite avec le filtre CLS. L'examen attentif de l'image de droite montre une détectivité très légèrement supérieure, avec un capacité à voir les mêmes étoiles à la limite de détection plus facilement, avec moins de risques de fausses alertes (ce qui est important en survey).


Figure 21. Champ de l'étoile HD172006 (pose de 90 secondes). A gauche, 40D modifié sans filtre anti-pollution. A droite, 40D modifié équipé d'un filtre CLS. La magnitude limite sur cette image est proche de 14, ce qui est une bonne performance compte tenu du lieu d'observation et des moyens employés.

Alors pourquoi, en fin de compte, le 40D défiltré apparait meilleurs dans ce test ? En défiltrant (filtre #2), la réponse de la caméra est étendue dans la partie rouge du spectre. En augmentant ainsi la bande passante spectrale, le nombre de photons capturé augmente aussi. Simultanément, cette zone du spectre, dans le rouge, apparait exempte de raies d'émissions liées à la pollution lumineuse - l'accroissement de l'étendu spectrale ne se fait donc qu'au prix d'une remontée modérée du fond de ciel. Au final, c'est la solution gagnante.

Le gain en rapport signal sur bruit est encore plus net si on considère la visibilité des objets nébulaires du ciel et qui émettent des raies monochromatique. Il faut dire qu'un filtre tel que le CLS Astronomik est principalement conçu pour ce type d'objets ! Comme précédemment, la brillance du fond de ciel est ainsi réduite de près d'un facteur 6 avec le 40D modifié associé au filtre CLS, alors que la transmission de la raie Halpha, par exemple, n'est quasiment pas altérée. Le bénéfice de l'opération est maximal.

On peut noter encore que le traitement d'image est facilité lorsque le fond de ciel est affaibli : il est plus facile de réaliser les corrections du type flat-field, d'harmoniser les niveaux d'images contigues lorsqu'on monte une mosaïque d'images élémentaires (voir un exemple ici).

Pour finir, le tableau 3 donne le résultat du calcul de la magnitude du fond de ciel, par seconde d'arc carré de l'observatoire de Castanet-Tolosan, c'est à dire la magnitude d'une étoile qui brillerait de la même manière qu'une surface angulaire du fond de ciel d'une seconde d'arc carré de coté produisant un signal de 1 pas codeur.

Tableau 3 : magnitude surfacique du ciel dans la bande V (approximative)

 

Canon 40D standard
sans filtre CLS

Canon 40D standard
avec filtre CLS

 

Canon 40D modifié
sans filtre CLS

Canon 40D modifié
avec filtre CLS

Magnitude

17.8 / arcsec carré

19.0 / arcsec carré

 

17.7 / arcsec carré

19.2 / arcsec carré

Une magnitude surfacique de 17.7 par seconde d'arc carré est typique d'un ciel bien luminueux, normalement difficilement exploitable pour l'imagerie du ciel profond (mais pas impossible en prenant de grandes précautions, notamment au moment de la réalisation du flat field !). Une magnitude surfacique de 19.2 par seconde d'arc carré commence à s'approcher de ce que l'on rencontre dans un site de campagne. Malheureusement, pour atteindre cette performance, on le rappelle, il faut accepter de réduire la bande passante spectrale (d'où pour compenser, augmenter le temps de pose par exemple). Pour mémoire, la magnitude V surfacique dans un observatoire de haute montagne ou de désert est de l'ordre de 21.5. Le ciel est ainsi 8 fois plus sombre à l'observatoire Paranal par rapport à mon observatoire urbain de la banlieu Toulousaine, et ce malgré l'usage d'un filtre anti-pollution. La proportion atteint  33 fois si je n'utilise pas de filtre anti-pollution ! Malgré ces écarts, on vient de montrer qu'il demeure possible de faire de la vraie astronomie d'observation en ville en optimisant son instrument.


L'appareil photographique 40D utilisé pour ce test a été modifié par les soins de la Clef des Etoiles
 


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