Observation
du triplet Ca II dans le proche infrarouge Le contenu de cette page illustre une méthode d'observation du triplet IR du Ca II à partir d'un modèle de spectrographe à présent assez largement diffusé chez les amateurs (Lhires III). Quelques resultats sont aussi montrés, qui s'avèrent prometteurs. Le spectrographe est un modèle Lhires III équipé d'un réseau de 600 traits/mm et d'une fente 23 microns de large. Le réseau est malheureusement blazé à 500 nm, donc pas du tout optimisé pour le domaine spectral visé ici. Il existe en version blazé à 800 nm, mais je n'ai pas pu en bénéficier pour ce test. Le gain peut être très significatif avec un tel réseau. Un filtre d'ordre (ou de blocage) RG630 est positionné juste à l'avant de la caméra d'acquisition afin d’éviter le chevauchement de la partie bleue du spectre d'ordre 2 (le filtre de 1 pouce est logé juste devant le hublot de la caméra). La caméra d'acquisition est un modèle Atik460EX, utilisée en binning 2x2 (CCD Sony ICX694L, 2750 x 2200 pixels, 4.54 microns, gain : 0,26 e-/ADU, RON 5,2 e-). Le télescope est un Celestron 9.25 f/10 (D=0.235 m). Le tout prend place sur une monture Astro-Physics Mach1 GTO. Une photographie de l'ensemble : Le choix du domaine spectral d'abord bien sur motivé par la présence du triplet Ca II (8498.018, 8542.089, 8662.140 A). Ces raies sont de bons traceurs des paramètres astrophysiques de l'étoile. Ainsi, le rapport d'intensité des raies du Ca II et des raies du Ti I, du Si I ou encore du Fe I (visibles dans la même région) permet d'évaluer la température (et donc le type spectral) et la gravité (c'est-à-dire la classe de luminosité) avec de bonnes précisions. A noter que les raies du Ca II sont souvent si contrastées quelles sont observables même avec un très faible rapport signal sur bruit. Le futur satellite GAIA (lancé fin 2013) va en outre observer cette partie du spectre pour préciser les paramètres astrophysiques de très nombreuses cibles et pour réaliser sur celles-ci des mesures de vitesses radiales, des observations qui s 'ajoute à la mission principale d'astrométrie (le spectromètre RVS de GAIA travaille entre 8480 A et 8740 A avec une résolution spectrale de R = 11000). Dans ce contexte, les étoiles chaudes, du type O, B, et A montrent des raies Ca II, He I, He II et N I pouvant aussi être exploitée pour des mesures de vitesses radiales. Dans les étoiles froides, ce sont les raies du Fe I, Ti I et Si I qui dominent. La région comporte par ailleurs le début de la série de Paschen de l'hydrogène (anticorrélée avec la gravité), ainsi que la raie OI de l'oxygène neutre, détectable dans le spectre des étoiles Be notamment ou de nébuleuses. Cette partie du spectre est peu affectée par l'extinction interstellaire (le milieu est très transparent). Par ailleurs, la zone est quasi totalement épargnée par les raies telluriques de l'atmosphère terrestre (fenêtre de transmission). Avec la configuration présentée ici (réseau de 600 t/mm et le large CCD de la caméra Sony Atik460EX), le domaine spectral couvert est suffisemment étendu pour saisir simultanément, aux deux extrémités, le spectre de la vapeur d'eau atmosphérique (H2O). Ces raies sont de très bonnes références pour un étalonnage en longueur d'onde des spectres acquis (recalage des dérives). La lampe néon interne du spectrographe Lhires III produit par ailleurs de nombreuses raies dans le domaine considéré (raies Ne et Ar). Il est possible d'observer le Ca II IR avec un détecteur siliicium. Le cout de la caméra est donc relativement bas et simple d'usage. Malheureusement, le rendement quantique du détecteur CCD est assez bas autour du Ca II IR (un honnète 20% typiquement, tout de même - voir ici). En observation en ville (c'est mon cas, forte pollution par des lamps Haute Pression Sodium), le ciel est très noir dans cette partie du spectre, malgré la présence de nombreux lampadaires très proches. On peut donc travailler dans des lieux peu propices à l'observation astronomique a priori (sauf avec un spectrographe !). La seule vraie difficulté technique rencontrées concerne le phénomènes de franges d'interférence - ce qui est moyennement surprenant dans le rouge profond. La planche suivante illustre la situation sur un spectre de l'étoile gamma Cas, de type Be : Avant la correction du problème des franges, le continuum de notre étoile est sévèrement perturbé par un bruit structurel périodique (profil en haut). Si les franges ont pour origine une lame de verre, on calcule que celle-ci doit faire environ 0,7 mm d'épaisseur, compte tenu du pas mesuré des franges. Dans ce cas, il semble assez probable que les franges proviennent d'interférences dans le hublot de fermeture du détecteur CCD. Les franges modules ici le continuum de tous les spectres acquis avec une amplitude type de 5 à 10%. Pour en savoir plus sur la problématique, lire : https://buil.astrosurf.com/spectro_apn2/test.htm http://www.astrosurf.com/aras/fringing/schlatter/ripple.htm Il faut réaliser un flat-field de qualité pour éliminer ces franges. Le point critique concerne le déplacement du système de franges à cause du bouger mécanique du spectrographe (themo-élastrique, effet 1g), entre le moment où on fait le field et la mesure science. Chaque image science est donc divisée par le flat-field réalisé aussi proche temporellement et angulairement que possible des images sciences (après retrait de l'offset et du dark, comme il se doit). On voit dans l'exemple ci-avant que le traitement peut-être efficace : le continuum de gamma Cas est au final bien lisse. Le plus pratique et le plus simple que j'ai trouvé pour réaliser des flat-field capables de gommer les franges consiste à monter la lampe halogène à même le tube du télescope, comme le montre les vues ci-après. Il s’agit d'un spot halogène de 120 W. Un écran diffuseur constitué de simples feuilles de papier calque est placé devant l'ouverture du télescope. Une séquence d'images flat-field (typiquement au nombre de 10 à 15, avec un temps de pose de 20 secondes pour cette configuration) est prise juste à la suite des images sciences, sans dépointer le télescope, et celà systématiquement. La lampe est portée par une bras qui se monte et démonte rapidement (fixation sur la queue d'aronde type Losmandy). Voici les raies d'émission de la lampe néon interne du spectrographe utilisées pour effectuer l'étalonnage spectral (dispersion moyenne de 0,726 A/pixel de 9,08 microns - ajustement d'un polynôme de degré 2 pour l'équation de dispersion, suffisamment précis) Ci-après, une collection de spectres stellaires réalisés autour du Ca II. Elle montre combien ce domaine spectral restreint, autour du triplet Ca II, est très sensible à révéler le type spectral et la luminosité des étoiles : Les figures suivantes montrent une séquences de spectres proches infrarouges de quelques étoiles Be brillantes : La série de Paschen est en émission particulièrement forte dans l'étoile gamma Cas. La raie OI est elle aussi souvent en forte émission. Le spectre de l'étoile 28 Tau montre sans ambiguïtés un triplet du CaII en émission, de même dans le spectre de psi Per, mais en superposition avec les raies de l'hydrogène, elles-mêmes en émission. La figure suivante est un agrandissement du spectre de 28 Tau en comparaison avec un spectre de Capella, qui précise l'aspect de l'émission du Ca II, ici déformée par la présence des raies d'absorption de l'hydrogène : On peut conclure que la région du proche infrarouge contenant le triplet du calcium ionisé est tout à fait accessible en haute résolution spectrale (R = 4000) avec un spectrographe Lhires III. Cette partie du spectre est exceptionnellement transparente vis-à-vis des raies telluriques. Le spectre s'avère extrêmement riche tout en demeurant lisible à une résolution spectrale relativement modérée et les détails spectraux évoluent très vite avec les paramètres astrophysiques (température et luminosité). Des études originales semblent pouvoir être conduites en visant cette région spectrale (remarquer ci-devant le spectre acquis dans le cadre de la campagne AZ Cas 2012-2014, ainsi que les spectres d’étoiles Be). Le temps de pose doit cependant être significativement allongé par rapport à une prise de vue dans le rouge ou le vert pour un même équipement. La faute est pour beaucoup au blaze du réseau utilisé qui n'est pas adapté. Dans l'avenir, il est envisagé de se procurer un réseau 600 t/mm optimisé pour le proche infrarouge (c’est un échange standard du réseau dans le spectrographe Lhires III). Le lancement GAIA laisse entrevoir une importante collaboration Pro/Am pour le suivi des cibles entre deux pointages de ce satellite (la résolution spectrale du spectrographe RVS est très voisine de celle testée dans ce test). Rappelons qu'un appareil photographique
économique totalement défiltré peut constituer un bon détecteur
pour cette partie du spectre, comme le montre cette
étude. Il faut prendre des précautions vis-à-vis du phénomène de franges et on a développé ici une solution efficace pour y remédier, particulièrement bien adaptée au spectrographe Lhires III, non équipé d’une lampe blanche à la base et aux télescopes de taille relativement modeste. Le montage de la lampe flat-field proposé est directement adapté de cette "chose", le but étant d'avaler plus de photons !
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