ISIS
Innovative Spectrographic Integrated Software
Christian Buil
Evaluation du bruit et du gain électronique d'une caméra CCD
Le flux spectral reçu des objets céleste est le plus souvent de faible intensité. En spectrographie Le bruit associé à ce signal (dit bruit de signal) apparait comme quasi négligeable par rapport aux autres sources de bruit, d’origine électronique. De plus, avec un spectrographe à fente ou à fibre optique, l'objet est très bien isolé du fond de ciel (le flux utile analysé passe par une petite ouverture qui bloque le flux parasite du fond de ciel). Le signal du fond de ciel est donc là encore très faible (ce qui permet du reste de pratiquer fort efficacement la spectrographie en ville). Sans être totalement nulle, la contribution du fond de ciel dans le bilan de performance de l'instrument est considérée comme faible (contrairement à l’ imagerie du ciel profond). Quels sont les paramètres restant qui déterminent la détectabilité du spectrographe ? Il s'agit d'abord du bruit de lecture de la caméra CCD (son bruit propre, intrinsèque, apporté par le composant CCD lui-même et l'électronique associée). Il s'agit ensuite du bruit associé au signal d'obscurité - un signal parasite produit par le détecteur lui-même, et que l'on réduit, voir annule, en refroidissant le composant. Le taux de production de charges thermiques (compté en électrons par seconde par exemple) est devenu extrêmement bas avec l'arrivée de la dernière génération de capteur CCD. En refroidissent à une température voisine de la valeur négative (-5°C à -30°C), le signal d'obscurité produit par ces détecteurs est extrêmement discret, même après des de poses de plusieurs minutes de durée. Intéressons-nous tout particulièrement au bruit de lecture, en anglais Read Out Noise, RON en abrégé, car c'est bien un paramètre clef qui fixe la qualité d'un détecteur exploité pour l'observation spectrographique. Noter que le rendement quantique fixe quant à lui la capacité de collection du détecteur (taux de conversion des photons incidents en charges électroniques). Une autre qualité intrinsèque recherchée du détecteur, qui va de pair avec un faible RON, est donc un rendement quantique élevée, aussi proche possible de 100%. Le RON fait partie des spécifications d'une caméra CCD. Cependant, devant la criticité du paramètre, il n'est pas inutile de vérifier par soit même la valeur spécifique pour sa propre caméra. Les conditions d'usage de la caméra peuvent influer par ailleurs la valeur effective et nous allons voir par la suite que les spécifications des fabricants ne sont pas toujours respectées... Autant savoir par vous-même où vous en êtes avec votre propre équipement. ISIS (à partir de la version 3.0) dispose d'un outil permettant d'évaluer le bruit de lecture d'une caméra. Cette fonction détermine aussi le gain (inverse) de la caméra (nombre d'électrons par pas codeur - en abrégé e-/ADU (ADU = Analog Digital Unit). Le même outil donne encore une idée du taux de production d'électrons thermiques. Trois couples d'images sont nécessaires pour l'évaluation complète des paramètres énumérés ci-avant. 1 - deux images flat-field prisent successivement, avec une illumination relativement uniforme d'une partie au moins du détecteur. Par exemple, avec la spectrographe LISA vous pouvez utiliser comme source de lumière, la lampe tungstène interne (voir la figure 1). 2 - deux images d'offset prisent successivement (temps de pose très court dans l'obscurité). 3 - deux images d'obscurité, acquises avec un temps long (typiquement 300 à 600 s). Ces deux dernières images sont optionnelles, et utiles uniquement lorsqu’on souhaite calculer le taux de signal thermique pour une température de fonctionnement donnée du détecteur. Vous devez acquérir en séquence ces 3 jeux d'images dans les conditions d'usage normales de la caméra. En particulier, vous devez refroidir le détecteur à sa température de consigne. Les images en question sont absolument brutes (telles quelles sortes de la caméra). Si vous souhaité faire des comparaisons avec les données du constructeur; il est vivement recommandé de travailler en binning 1x1.
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A titre illustratif, on teste ici une caméra Atik314L+, équipée d'un CCD Sony ICX285AL, refroidi à -5°C. Le couple d'images flat-field utilisé est issu d'une observation régulière de l'étoile Eta UMa avec un spectrographe LISA (vous pouvez faire le flat-field de la manière habituelle pour vous). Repérer les coordonnées des coins opposés d'une zone rectangulaire recouvrant une zone approximativement uniforme de l'image flat-field. La taille du côté de cette zone peut faire de 100 à 500 pixels. Pour notre exemple, nous avons choisi les coordonnées image (1060, 500) - (1320, 680). Comme vous avez une quasi-infinité de choix pour ces couples de coordonnées sur la seule base de l'image flat-field, nous nous sommes servis de l'image du signal d'obscurité pour sélectionner une zone qui n'inclue aucun point chaud majeur. De cette manière, le taux de signal thermique mesuré sera typique de l'aire moyenne de l'image, en excluant les pixels déviants (qui peuvent être éliminé au moment du traitement en utilisant un fichier cosmétique, on le rappelle). Remplir les paramètres de l'onglet "Bruit détecteur" comme l'indique la vue à droite, puis cliquer sur "Go". ISIS retourne le verdict. Le bruit de lecture est 4,0 électrons, ce qui est tout à fait conforme à la spécification du constructeur. C'est une très bonne performance pour une caméra de ce type, ce qui fait de ce modèle mon favori pour la spectrographie lorsqu'il n'est pas indispensable de disposer d'une très grande surface sensible. On remarque que compte tenu du gain (inverse) électronique, un compte numérique représente un signal de 0,256 électron seulement. Le taux de charge thermique (signal d'obscurité) est évalué à 0,0002 électron/seconde, une valeur très faible. Au bout de 600 secondes de pose, le nombre moyen de charges thermiques accumulé par pixel est de 600 x 0,01 = 0.12 électron. Compte tenu du gain de la caméra, cela représente un signal en pas codeur de 0,5 ADU. La mesure du signal thermique est cependant délicate. Le niveau est de très petite valeur comme on vient de le voir, mais aussi, la statistique de ce signal est loin d'être gaussienne (présence de pixels "chauds"). Un résultat de calcul à partir d'une moyenne du signal (comme ici) ou à partir du bruit thermique lui-même doit être pris avec précaution. On peut cependant retenir que le signal thermique, hors quelques rares points chauds qui se traitent bien, est très faible dans ce type de composant et dans les conditions d'utilisation testée ici (CCD à -5°C). L'impact du signal thermique sur le bruit global de mesure des spectres est dans cette situation est quasi marginal. Note
: vous pouvez trouver le bruit de lecture de la caméra sans calculer le niveau
du signal thermique en laissant vide les champs de saisi des images
d'obscurité. En revanche, si vous voulez trouver le niveau du signal
d'obscurité, vous devez fournir le temps de pose des images correspondantes
(dans l'exemple, 600 secondes). |
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Toujours à titre d'exemple, le tableau 1 à droite donne le bruit de lecture pour deux exemplaires du modèle Atik314L+. On peut constater que suivant le numéro de série considéré, pour un même modèle de caméra, les écarts de performances peuvent être sensibles. La différence sur la valeur du RON (4,7 e- pour 6,7 e-) dans cet exemple n'est pas négligeable sur la performance du spectrographe lors de l'observation d'objets à la limite de la détectabilité. Le tableau de la figure 2 regroupe les mesures effectuées sur plusieurs modèles populaires de caméra CCD. Le critère de performance utilisé pour juger leur performance respective est la magnitude limite atteinte sur un spectrographe LISA avec un télescope C11 (à f/5.9) au niveau de la raie Halpha sur une étoile de type A0V en une heure de pose segmentée en 6 poses de 10 minutes. La magnitude limite correspond dans notre définition à un rapport signal sur bruit de 10 calculé dans une bande spectrale ramenée à l'élément de résolution. Le spectrographe LISA travaille à la résolution spectrale de R = 750 (fente de 35 microns). Note : si on s'en tient aux écarts de magnitude en terme de détectabilité, ces résultats sont tout à fait transposables à un spectrographe LHIRES III. Pour fixer les idées, un écart de 0,4 magnitude en détectabilité (comparaison entre AtilK14L+ et QSI-583, par exemple) correspond à l'écart qui existe en un télescope C11 et un télescope C14. Disposer d'une caméra à faible bruit équivaut en spectrographie à multiplier virtuellement la taille du télescope. L'enjeu de l'évaluation du bruit intrinsèque de votre caméra est donc important, d'où l'utilité de l'outil ISIS décrit dans cette page. Le tableau 3 donne le rendement quantique adopté pour effectuer les calculs précédents. Ces valeurs sont visualisées graphiquement dans la figure 1. On notera que le déficit en rendement quantique du CCD ICX285AL par rapport à l'excellent KAF-3200 est largement compensé par le faible bruit de lecture du premier par rapport au second. Enfin,
le tableau 4 donne le taux de signal thermique Atik314L+ pour plusieurs
températures du CCD. |
Tableau 2.
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