MISSION T60
DU 15 AU 22 JUILLET 2002
André Rondi - Valérie Desnoux - Christian Buil
Objectifs de la mission : prise en main du nouveau T60, rodage des procédures d'utilisation et test de diverses configurations de spectrographes adaptées au télescope. Pour avoir toutes les informations sur l'opération T60 du Pic du Midi et les conditions d'accès au télescope, cliquer ici.
Nous avons bénéficier de 3,5 nuits claires durant cette mission. Cette pages décrit brièvement les résultats obtenus.
Compte tenu du fort rapport d'ouverture du T60 (F/D=3,5), la conception d'un spectrographe efficace pour cet instrument n'est pas choses aisée et nécessite un spectrographe encombrant si on cherche la haute résolution spectrale. Nous nous sommes contenté de tester des spectrographes simples, peu coûteux et de basse résolution pour cette mission.
Le premier montage est classique avec un objectif photographique Fujica de 55 mm à f/1.8 pour le collimateur, un réseau de 600 traits/mm de 30 mm de coté d'origine Edmund, un objectif de chambre constitué d'un objectif Nikon de 50 mm à f/1.8 et d'une caméra Audine avec CCD KAF-0400E. Une fente réglable est positionnée à l'entrée de l'instrument pour isoler le champ de vue. L'ensemble est monté dans une simple structure en contre-plaqué. Le spectrographe a été testé juste avant la mission au Pic, lors de la Star Party Aude à Lit-et-Mixe, dans les Landes. Pour une description générique détaillée de l'appareil, cliquez ici (la version T60 du spectrographe a dû être légèrement modifiée en raison de la forte ouverture relative du T60).
Le montage sur le T60 ce fait via la platine de translation micrométrique qui fait partie des accessoires du télescope. Cette platine permet de focaliser précisément l'image donnée par le télescope sur la fente d'entrée du spectrographe.
Voici une vue générale du télescope et du spectrographe monté au foyer Newton :
La vue suivante montre les ingrédients du spectrographe et leur disposition (l'angle entre l'axe du collimateur et l'axe de l'objectif de chambre est de 36° dans ce montage - un mécanisme sous le réseau permet de faire pivoter ce dernier avec précision pour sélectionner le domaine spectral exploré) :
Un espace existe entre la fente d'entrée et l'interface télescope pour y disposer des lampes de calibration spectrale ou un oculaire de pointage associé à un prime de renvoi à 90° pour dégrossir les premiers réglages (ajustement du pointage du télescope, vérification de la qualité image, ...) :
L'image suivante montre le spectre en 2D d'un des objets du programme : la nébuleuse planétaire NGC 6826 (magnitude 9,8). Ce spectre est obtenu en fente large, c'est-à-dire que l'on enregistre simultanément le spectre de tous les objets dont la lumière pénètre dans le spectrographe sur un champ large. Le disque apparent de la nébuleuse est bien visible dans les images monochromatiques. L'image intense à droite est H-alpha à 6563 angstroms et l'image la plus intense à gauche est [OIII] à 5007 angstroms. Le fin spectre qui traverse les images monochromatiques de la nébuleuse correspond à l'étoile centrale de l'objet. Ce spectre est la mosaïque de deux spectres élémentaires correspondant chacun au compositage de 9 images posées 30 secondes chacune.
L'image suivante à gauche, réalisée à l'ordre zéro, montre le champ du spectrographe en mode fente large. Le champ est en fait limité à un demi-champ clair car une des lèvres de la fente en masque la moitié. NGC 6826 est l'objet brillant juste tangent au bord fixe de la fente. A droite, le bord mobile de la fente (lame de rasoir) a été amenée presque au contact du bord fixe. La largeur de la fente est de l'ordre de 40 microns. On peut apercevoir sur cette image, toujours réalisée à l'ordre zéro, la nébuleuse au travers de la fente.
Ci-après, le spectre de la nébuleuse lorsqu'une fraction de celle-ci est isolé par une fente étroite. On voit ici la région de la raie de l'oxygène interdite [OIII] à 5007 A :
Ci-après le profil spectral en utilisant une fente étroite (il a été étalonné en flux pour tenir compte de la réponse spectrale de l'instrument et en longueur d'onde) :
Vue agrandie du spectre précédent détaillant les raies de faibles intensités :
Un zoom autour de 6563 angstroms qui montre la raie de l'azote [NII] sur le flan droit de la raie H-alpha (la distance entre la raie H-alpha et la raie [NII] est de 21 angstroms). La raie de l'azote interdite est très faible dans cet objet :
Ci-après, superposition du spectre en fente étroite (rouge) et du spectre en fente large (bleu). Le gain en résolution est évident avec une fente sur un objet étendu tel que NGC 6826. Noter que le spectre de l'étoile centrale est bien visible dans le spectre à fente large (spectre quasi continu). Il est bien plus discret dans le cas de la fente étroite car l'étoile centrale n'y était pas centrée.
Les images suivantes illustrent la procédure utilisée pour réaliser le spectre de l'étoile variable cataclismique SS Cygni (de magnitude 11,6 environ au moment de l'observation). L'image à gauche est le champ de l'objet observé à l'ordre zéro du spectrographe en une pose de 90 secondes. Le rectangle vert figure le contour de la fente utilisée, de l'ordre de 0,6 mm de large. Cette fente n'est ni trop fine pour relaxer les problèmes de suivi de télescope (on est toujours sur que la lumière de l'objet entre dans le spectrographe), ni trop large afin d'exclure le spectre d'étoiles qui pourraient ce mélanger à celui de l'objet étudié et afin de réduire le niveau du fond de ciel (l'observation a été faite avec une forte Lune). La position de l'étoile SS Cyg est indiquée, ainsi que la magnitude de quelques étoiles relevée dans le DSS2. L'image de droite montre la partie rouge du spectre de tous les objets qui passent au travers de la fente élargie. C'est le compositage de 28 poses de 60 secondes chacune (en binning 2x2 avec le CCD KAF-0401E). La correspondance entre l'image à l'ordre zéro et les spectres est aisée. On remarque immédiatement la raie de l'hydrogène H-alpha en émission intense dans le spectre de SS Cyg. Le spectre de l'étoile de magnitude R=14,3 est vu avec un rapport signal à bruit de 7 autour de H-alpha. Ce constat laisse l'espoir d'acquérir avec un signal sur bruit équivalent le spectre d'objets de magnitude 15,2 en 2 heures de pose avec cette même instrumentation (dispersion de 5,74 angstroms par pixel et résolution R=500 environ vers 6563 angstroms).
Ci-après le profil spectral de SS Cyg après l'étalonnage spectral et en flux. Ce graphe est la mosaique de deux spectres posées chacun l'équivalent de 28 minutes et couvrant les parties bleu et rouge du spectre. Les raies de Balmer de l'hydrogène sont toutes en forte emission. Nous avons identifier l'émission de HeI à 5875 A et 6678 A par exemple.
Ci-après le spectre de l'étoile Wolf-Rayet 137 de type spectral WC7 et de magnitude V=8.0. Les Wolf-Rayet sont des étoiles très chaudes aux raies élargies par la vitesse importante des vents. Dans le type WC ce sont les raies du carbone fortement ionisées qui dominent (CIII à 5696 A et CIV à 5805 A par exemple, on note aussi OV à 5592 A). Temps de pose de 270 secondes (compositage de 9 vues posées 30 secondes).
Ci-dessous le spectre de l'étoile 29 Vulpecula de type A0V qui nous a servit à étalonner en flux le spectre des autres objets.
L'image suivante montre le champ de la galaxie de Seyfert NGC 6814, réalisée à l'ordre zéro du spectrographe (entre 2 traits bleus):
Le spectre en deux dimensions du noyau de la galaxie NGC 6814 réalisé avec une fente relativement large de 0,6 mm (voir ci-dessus). Compositage de 50 poses de 60 secondes chacune. Au moment de cette observation la Lune était quasi pleine. On note la raie de l'hydrogène H-alpha en emission tout à droite.
Le spectre du noyau de NGC 6814 après l'étalonnage spectral (en s'aidant du spectre d'une étoile voisine) et l'étalonnage en flux prenant en compte la réponse de l'instrument. Les longueurs d'onde du graphe sont celles observées. Le centre de gravité de la raie H-alpha est mesuré à la longueur d'onde de 6590 angstroms alors que ca position au repos est 6563 angstroms. De ce décalage vers le rouge de 28 ± 6 angstroms on déduit une vitesse de récession de 1280 km/s ± 270 km/s. La vitesse trouvée sur le CDS pour cette galaxie est de 1563 km/s. Notre valeur est raisonnablement proche.
Un objet difficile : le quasar PHL1811, le second plus brillant du ciel après 3C273 (voir K. M. Leighly, 2001, AJ, 121, 2889). La magnitude R n'est cependant que de 13,9, ce qui rend l'acquisition du spectre délicate avec une dispersion de 5,7 A/pixel, même avec un télescope de 60 cm. L'objectif de l'observation était de mettre en évidence le décalage vers le rouge. Pour cet objet z = 0,192, ce qui amène la raie H-alpha à la longueur d'onde de 7820 angstroms environ. L'image ci-après montre le champ de PHL1811 en 3 minutes de pose à l'ordre zéro. Noter les deux étoiles (1) et (2).
Dans l'image suivante on voit les spectres en 2D des étoiles (1) et (2) en haut et en bas, et le spectre du quasar au centre (utilisation d'une fente large). L'étoile (1) est de magnitude R=12,6 et l'étoile (2) est de magnitude R=13,7. Ce document est le résultat du compositage de 25 images posées chacune 120 secondes, soit un temps de pose total de 50 minutes. Le rapport signal sur bruit mesuré vers 6563 angstroms (longueur d'onde apparente) est de 13. En extrapolant, on peut estimer qu'une étoile de magnitude 14,5 pourra être vue avec un rapport signal sur bruit de 10 dans le rouge en posant l'équivalent de 2 heures (ce n'est pas un temps de pose aberrant en spectrographie). C'est un résultat cohérent avec celui trouvé pour le champ de SS Cyg (voir plus haut).
Le profil spectral de PHL1811 après la correction en flux et une tentative d'étalonnage spectral (le graphe montre les longueurs d'onde apparentes). Nous nous somme fait piégé au moment de l'observation car la raie H-alpha en émission de ce quasar se situe environ 10 pixels... en dehors de l'image sur la droite. C'est dommage car l'intensité de cette raie étant d'environ trois fois le continuum local, elle aurait pu être probablement détectée. A refaire !
Ci-après la partie rouge du spectre de la planète Uranus. La configuration du spectrographe a été modifiée pour l'occasion : utilisation d'un réseau de 1200 traits/mm et binning 1x1 pour le CCD. L'échantillonnage du spectre atteint alors 1,4 angstroms/pixe environl. Compositage de 12 spectres posés 30 secondes. Nous avons exploité un spectre de Vega pour réaliser la calibration en flux. Il est à relever que nous n'avons pas utilisé de fente et que donc le diamètre apparent de Uranus est une source de perte de résolution. La présence du gaz méthane dans l'atmosphère de Uranus module considérablement l'allure du spectre. L'absorption de la lumière est presque totale vers 7300 angstroms.
Nous avons aussi expérimenté sur le T60 la configuration à réseau à transmission et lentille de Barlow pour le collimateur. Notre disposition donne une dispersion de 10,45 A/pixel et est optimisée pour des objets faibles. Nous avons obtenu des spectres d'étoiles de magnitude 14,5 avec un S/B de 10 en 20 minutes de poses.
La lentille de Barlow (Tele Vue 2,5x de -62 mm de focale) est simplement glissée dans le porte oculaire coulant 31,75 mm du T60. Le réseau est un modèle Thermo RG (ex Richardson) de 300 traits/mm, blazé à 500 nm et de 25x25 mm coté. Celui-ci est suivit dans le sens de la lumière par un caméra Audine KAF-0401E équipée d'un objectif photographique de 55 mm de focale à f/1,8. Les images suivantes montrent la disposition de ce petit spectrographe, qui se monte en quelques minutes :
Voici une image en deux dimensions caractéristique obtenue avec ce spectrographe. On aperçoit vers le centre le spectre de l'étoile SS Cygnii, dont nous avons déjà vue le spectre avec un instrument plus résolvant. Les raies de Balmer en émission sont immédiatement visibles sur ce spectre en 2D (le rouge est à droite).
Le profil spectral de SS Cyg après la calibration spectrale et la calibration en flux. Ce spectre est à comparer à celui obtenu avec le spectrographe à fente avec une dispersion de 5,74 A/pixel. A la résolution près ces deux résultats sont très cohérents.
Ci-après le spectre en 2 dimensions de la nova Ophiuchus 2002 (V2540 Oph) perdu dans un champ dense de la Voie-Lactée (image en négatif), réalisé avec le montage à lentille de Barlow. Le spectre de la nova est en fait facile à remarquer avec ces nombreuses raies fines en émission, formant une sorte de chapelet. La raie H-alpha domine le spectre (sur sa partie droite). Cette nova avait été déjà observée depuis Toulouse avec un spectrographe à haute résolution, en février 2002, peu de temps après sa découverte. Lors de la mission T60 de juillet 2002, cet objet est encore visible comme une étoile de magnitude 11 environ.
Le profil spectral de V2540 Oph extrait de l'image précédente (compositage de 15 images de 60 secondes d'exposition chacune):
Pour finjr, un détail autour de la raie H-alpha du spectre de la nova V2540 Oph observé avec la configuration la plus résolvante utilisée lors de la mission (échantillonnage de 1,4 A/pixel). Compositage de 23 poses de 60 secondes. Le pic de la raie H-alpha, bien résolu, atteint 57 fois le niveau du continuum local. Une base évasée de la raie est aussi apparue par rapport aux observations de février 2002.
Détail dans le continuum du spectre précédent :
Voici donc les premières données d'observations obtenues sur le T60 nouvelle formule, après 6 ans d'arrêt d'activité et suite au formidable travail des amateurs qui se sont relayés au sommet du Pic du Midi pour remettre à niveau le télescope. Nous dédions à tous ces bénévoles les présents résultats !
Les observateurs :
André Rondi, Valérie Desnoux, Christian Buil
Pour un compte rendu de la seconde mission spectrographie réalisée du 28 août au 2 septembre 2002, cliquer ici.
Page Web de André Rondi : http://astrosurf.com/rondi/
Page Web de Valérie Desnoux : http://valerie.desnoux.free.fr/index.html