1. Le cahier des charges
2. Le choix du réseau
3. Le choix de l'angle de diffraction
4. La détermination de la distance focale de l'objectif
collimateur
5. La distance focale de l'objectif de chambre
6. La résolution spectrale effective
7. L'étendu spectrale
8. La transmission optique
9. La sensibilité du spectrographe
10. Le signal en élecrons
11. La rapport signal à bruit
12. La réalisation et les réglages
13. Les premiers résultats et les
performances mesurées
14. L'extraction du profil spectral
15. L'étalonnage spectral
16. Longueur d'onde de raies usuelles dans
les étoiles et les nébuleuses
17. L'étalonnage radiométrique
18. La caractérisation du profil de raie
Le spectrographe est destiné prioritairement à l'étude des variations du spectre des étoiles Be. Pour obtenir des résultats correctement quantifiables dans ce domaine il est important de résoudre la structure des raies spectrales de ces étoiles. Un bon objectif est de pouvoir déterminer des mouvements de gaz dans l'environnement dans ces étoiles avec une précision de l'ordre de 100 km/s en utilisant la raie H-alpha à 6563 Angströms. Il n'est pas rare d'observer dans les étoiles Be des structures dans les raies correspondant à des vitesses radiales de plusieurs centaines de km/s. Notre spectrographe doit donc permettre de les distinguer. On notera par ailleurs que l'élargissement naturel des raies dans la plupart des étoiles Be correspond à des vitesses de rotation comprises entre 200 et 400 km/s (v.sin i). Ici encore, pour la plupart des cas, les raies spectrales seront correctement résolues si on est capable de mesurer une vitesse radiale de dv = 100 km/s.
Pour atteindre cet objectif la résolution R du spectrographe doit être :
R = l/dl = c/dv
avec c, la vitesse de la lumière (c = 3.105 km/s).
Pour notre besoin il faut avoir : R = 3.105 / 100 = 3000, soit un pouvoir de résolution spectral dl = 6563 / 3000 = 2.2 A.
Notez que si R<1000 on a affaire à un spectrographe basse résolution. Si R est supérieur à 1000 et inférieur à 5000 le spectrographe est dit à moyenne résolution. Si R > 5000, le spectrographe est du type à haute-résolution.
Notre spectrographe devra être suffisamment compact pour pouvoir être monté à même le télescope et ainsi éviter le transport du flux par l'intermédiaire d'une fibre optique, qui est toujours une source de perte de rendement. On vise un télescope de la classe de 200 mm, qui doit permettre d'observer des étoiles jusqu'à la magnitude 7 avec un rapport signal à bruit de 20.
Pour faciliter l'usage du spectrographe, il est décidé de ne pas utiliser de fente d'entrée. Ceci évite la contrainte forte de devoir positionner précisément l'étoile au centre d'une fente faisant quelques microns à quelques dizaines de microns de large. L'opérationnalité du spectrographe est donc particulièrement optimisée, de même que le rendement photométrique (on évite une perte de flux stellaire bloqué par les lèvres de la fente). En contre-partie la résolution spectrale est assujettie à la finesse de l'image au foyer du télescope (seeing, focalisation, aberrations, suivi). Le télescope doit être donc de bonne qualité avec une excellente collimation et entraîné par une bonne monture. En outre, l'absence de fente rend plus complexe et problématique l'étalonnage spectral. Cet aspect n'est cependant par très critique pour le programme envisagé, la dispersion spectrale étant par ailleurs connue avec précision (c'est facile). De plus, l'expérience montre qu'il est possible de se servir des raies telluriques, qui sont nombreuses au voisinage de la raie H-alpha, comme étalon spectral. La précision du calage spectral par cette technique est tel qu'il est envisageable de se servir de ce spectrographe pour mesurer des vitesses radiales absolue, par exemple pour étudier des étoiles doubles spectroscopiques.
Notez qu'une fente peut malgré tout être mise en place au foyer du télescope. Cette fente n'a pas pour fonction de fixer la résolution spectrale car est est dite large (4 ou 5 mm). Son but est simplement la réduction de la brillance du fond de ciel.
La caméra CCD est imposée. Elle est à base de KAF-0401E afin de bénéficier d'un rendement maximal et de offrir la possibilité d'étudier des profils de raies en dessous de 4000 A (accès aux raies H et K du CaII). Nous utilisons une caméra AUDINE en binning 1x1 (la taille du pixel est alors de 9x9 microns).
Enfin, nous visons un instrument économique, moins de 2000 F (hors caméra CCD, dont le coût est de l'ordre de 7000 F pour une AUDINE).
Pour l'application numérique qui suit nous considérons que le télescope a un diamètre de 190 mm et que sa distance focale est de 760 mm (F/D=4).
La source de réseau la plus intéressante est probablement la société Edmund Scientific, qui offre un large choix de composant, une très bonne qualité et des prix très attractifs.
Vu que le spectrographe doit être léger et compact, il apparaît que le distance focale des optiques devra être choisie relativement petite. Pour atteindre la résolution spectrale visée il faut donc choisir un réseau ayant un grand nombre de traits au millimètre, c'est-à-dire bien dispersif. Les réseaux les plus dispersifs dans le catalogue Edmund Scientific ont 1200 traits/mm. C'est un réseau de ce type que nous avons sélectionné.
Pour tenir l'objectif de coût nous nous portons vers un réseau
de taille raisonnable : 30 x 30 mm. Le blaze est choisi de manière
à concentrer le maximum d'énergie dans la partie visible
du spectre (vers 500 nm). Le choix final se porte sur le réseau
ayant la référence E46.077, dont le coût est de 96$
(environ 600 F, compte tenu des frais d'envoi).
3 - LE CHOIX DE L'ANGLE DE DIFFRACTION
Pour exploiter au mieux la surface gravée du réseau, et surtout faire en sorte que le faisceau optique ne déborde pas de celui-ci, il faut choisir avec soin la valeur des angles d'incidence et de diffraction. Idéalement, il faudrait travailler avec de petits angles (montage du type Littrow), mais on arrive rapidement à une impossibilité technique du fait de l'encombrement des objectifs collimateur et de chambre.
Pour notre spectrographe nous avons choisi (un peu arbitrairement au départ) un angle entre le faisceau incident et l'axe optique de l'objectif de chambre de 28.5° (angle a+b sur la figure ci-avant). Avec un réseau de 1200 traits/mm, et compte tenu de sa taille, il n'est pas recommandé d'ouvrir plus cet angle sous peine de produire du vignettage (voir plus loin).
La formule fondamentale du réseau, qui donne l’angle de diffraction b en fonction de l’angle d’incidence a, est :
(1) sin a + sin b = n . k . l
avec la l la longueur d’onde en millimètres, k l’ordre du spectre, et n le nombre de traits par millimètres du réseau. Nous allons adopter pour la longueur d’onde centrale du spectre la position de la raie H-alpha de l’hydrogène à 6563 A (soit 0,6563.10-3 mm). Par ailleurs, la valeur de n est égal à 1200 dans notre exemple.
Nous avons enfin la contrainte : a + b = 28.5°.
Nous pouvons déterminer la valeur de l’angle b en fonction de l’angle a pour deux cas : k=1 et k=-1 (le réseau sélectionné ne peux fonctionner correctement que dans les ordres +1 et –1, et il n’est pas raisonnable de toute manière de travailler à des ordres plus élevés, car alors les angles d’incidences sur le réseau deviennent rapidement trop importants et la taille du réseau sous-dimentionnée). Pour cela nous faisons :
(2) b = arcsin(n . k . l - sin a)
On trouve aisément par tâtonnement les couples d'angles suivant :
pour k = +1, a = 38.2° et b = -9.7°
pour k = -1, a = -9.7° et b = 38.2°
On verra plus loin que la résolution spectrale est maximale si on choisit une valeur de l'angle de diffraction b inférieur en valeur absolue à l'angle d'incidence a. C'est donc la solution correspondant à k = +1 qu'il faut sélectionner.
En résumé nous avons donc :
a = 38.2°
b = -9.7°
a + b = 28.5°
4 - LA DISTANCE FOCALE DE L’OBJECTIF COLLIMATEUR
Le rôle du collimateur est d’envoyer à l’infini l’image des objets qui se forment au foyer du télescope. Il est essentiel lors du choix de cet objectif de faire en sorte que le faisceau collimaté ne déborde pas du réseau. Si cela arrivé, on diaphragmerait le télescope, ce qui équivaut à perdre du flux inutilement.
Le diamètre du faisceau optique compté dans le plan de front du collimateur (dans un plan perpendiculaire à l'axe optique) est donné par la formule :
(3) d1 = (D . f1) / F
avec D le diamètre du miroir primaire du télescope, F la distance focale du télescope, f1 la distance focale du collimateur et a l’angle d’incidence calculé au paragraphe 3.
Il faut impérativement contraindre le diamètre d1 de manière à ce que le faisceau ne déborde par du réseau. Si L est dimension du réseau vue dans le plan de front du collimateur et si W est la dimension physique du réseau, mesurée dans son plan, nous avons la relation :
(4) L = W . cos a
Avec W = 30 mm et a = 38.2°, on trouve L = 23.6 mm. C'est la dimension à ne pas dépasser pour le faisceau sortant du collimateur sous peine de diaphragmer le télescope.
En rapprochant les équation (3) et (4) nous pouvons écrire :
(5) (D . f1) / F < W . cos a
d'où la distance focale maximale du collimateur :
(6) f1 < (F . W . cos a) / D
Soit : f1 < (760 . 30 . cos 38.2°) / 190 = 94.3 mm
On disposait dans un tiroir d'un objectif photographique de marque Tamron de 90 mm de focale ouvert à 2.5. Il convient parfaitement à notre montage.
En utilisant la formule (3) on trouve alors que le diamètre effectif du faisceau est de (190 . 90) / 760 = 22.5 mm. En comparant avec la valeur de L, on note qu'il y a une marge d'alignement de 23.6 - 22.5 = 1,1 mm. Il faudra positionner avec précision le réseau en avant du collimateur. A ce stade il apparaît qu'un réseau de 30 mm de coté convient, mais qu'un réseau de 50 mm (disponible dans le catalogue Edmund Scientific) donnerait plus de droit à l'erreur. Mais c'est plus cher (142.35$).
Il reste encore une vérification à faire : s'assurer que l'objectif collimateur est suffisamment ouvert pour ne pas vignetter le faisceau en provenance du télescope. Le diamètre de la pupille de l'objectif sélectionné est de 90 / 2.5 = 36.0 mm. Le faisceau en sortie de collimateur ayant un diamètre de 22.5 mm, il n'y a aucun problème avec notre objectif. D'une manière générale, il faut vérifier la relation :
(7) f1 / d1 < F / D
En résumé :
f1 = 90 mm
d1 = 22.5 mm
5 - LA DISTANCE FOCALE DE L’OBJECTIF DE CHAMBRE
La résolution spectrale du spectrographe va dépendre en partie de la distance focale de l'objectif de chambre.
Soit dl, le plus petit élément spectral que l’on souhaite séparer dans le spectre. Le cahier des charges nous impose R=3000. Par définition nous avons :
(8) R = l / dl = 3000
Nous calculer la dispersion spectrale P au foyer de l’objectif de chambre en A/mm. Ce paramètre est encore appelé le facteur de plaque :
(9) P = (107 . cos b) / (n . k . f2)
La théorie de l’échantillonnage (théorème de Shanon) nous apprend que si nous voulons résoudre un élément dl dans le spectre il est nécessaire que celui-ci soit échantillonner avec au moins 2 pixels. En d'autre termes cela signifie qu'un intervalle spectral dl doit être couvert par au moins 2 pixels. Soit h le facteur d'échantillonnage. Nous devons avoir h > 2 et la dispersion spectrale en A/mm pour ne pas sous-échantilonner le spectre sera :
(10) P < dl / (h . e)
avec e la dimension du pixel.
La dispersion en A/pixel sera simplement :
(11) P < dl / h
D'après la relation (8) nous trouvons dl = 2.2 A pour la raie H-alpha, d'où la dispersion minimum pour ne pas risquer de sous-échantillonner le spectre (équation (10)) :
P < 2.2 / (2 . 9.10-3) = 122 A/mm
soit encore, d'après (11), P < 1.1 A/pixel.
En mettant en regard les relations (9) et (10), nous déduisons la valeur de la distance focale de l’objectif de chambre :
(12) f2 > (107 . h . e . cos b) / (n . k . dl)
On trouve que f2 doit être supérieur à 67.2 mm. Nous avons utilisez dans le spectrographe un objectif de chambre de 80 mm de focale à ouvert à 1.8 (un vieux Pancolor de Carl Zeiss Jena trouvé sur le marché de l'occasion pour 700 F). C'est la focale la plus approchante des 67.2 mm que nous avions sous la main. Avec cette optique la dispersion est (d'après 9) :
P = (107 . cos 9.7°) / (1200 . 1 . 80) = 102.7 A/mm, ou encore 0.924 A/pixel.
D'après la relation (11) on déduit le facteur d'échantillonnage :
h = dl / P = 2.2 / 0.924 = 2.4
C'est légèrement plus que nécessaire, mais l'expérience montre que ce n'est pas plus mal.
Tout comme pour l'objectif de collimation, il vaut veiller à ce que l'objectif de chambre ne vignette pas le faisceau optique. En première approximation il est possible de calculer le diamètre du faisceau à la sortie du réseau par la formule :
(13) d2 = (D . f1) / (r . F)
avec r un paramètre appelé facteur d'anamorphose et qui vaut :
(14) r = cos a / cos b = d1 / d2
On trouve r = cos 38.2° / cos 9.7° = 0.797. Le diamètre d2 peut alors être calculé à partir de la formule (13), soit à partir de la formule (14).
Le résultat est d2 = 28.2 mm. L'objectif de chambre devra donc avoir une ouverture supérieure à ce chiffre. C'est le cas puisque nous avons un diamètre de pupille égal à 80/1.8 = 44.4 mm.
Mais attention, le diamètre d2 que nous avons calculé avec la formule (13) n'est valable que pour un faisceau monochromatique dont l'image se focaliserait en un point au centre du CCD. Tout se complique si maintenant on cherche à collecter avec l'objectif de chambre l'ensemble des rayons diffractés par le réseau et pouvant arriver d'un bord à l'autre du CCD. Pour ne pas vignetter en marge du CCD il faut donc que l'objectif de chambre soit suffisamment grand pour recevoir un rayonnement polychromatique correspondant au domaine spectral couvert par le CCD. Finalement, l'objectif de chambre devra avoir une dimension supérieure à :
(15) d2' = d2 + (T . X) / f2
avec T la distance séparant le réseau de la pupille d'entrée de l'objectif (en gros, la face avant de l'objectif) et X la dimension linéaire du CCD le long de l'axe de la dispersion. On voit qu'il y a tout intérêt à rapprocher au maximum l'objectif de chambre du réseau, mais ce n'est pas toujours possible pour des problèmes d'encombrement mécanique. Dans notre montage il n'a pas était possible d'avoir T inférieur à 105 mm. Avec le CCD KAF-0401E nous avons X = 6.9 mm (768 pixels de 9 microns chacun). On trouve donc :
d2' = 28.2 + (105 . 6.9) / 80 = 37.3 mm.
L'objectif Pancolor a un diamètre de pupille de 44.4 mm. Il n'y
a pas donc pas de risque de vignettage où que l'on se trouve dans
le spectre. On note cependant qu'il ne faut pas hésiter à
réserver une optique très ouvert pour l'objectif de chambre.
6 - LA RESOLUTION SPECTRALE EFFECTIVE
Dans un spectrographe sans fente la résolution spectrale effective dépend du diamètre de l’image stellaire au foyer du télescope. L'étalement de la tache image peut être due à la turbulence, au défaut de suivi durant la pose, aux aberrations optiques, etc. Nous désignerons par le terme générique seeing la dimension angulaire de l'étoile après une longue pose (il s'agit plus précisément de la largeur à mi-hauteur de l'image stellaire). Soit FWHM la largeur à mi-hauteur en pixel de la tache image. Si on considère que le spectre est correctement échantillonné, nous pouvons écrire que le pouvoir séparateur spectral effectif sera égal à :
(16) dl = (FWHM. e . f2 . r . P) / f1
avec P la dispersion en A/mm, r le facteur d'anamorphose, e la dimension du pixel en mm et FWHM la largeur à mi-hauteur d'une étoile au foyer du télescope en pixel.
On remarque que pour une résolution spectrale maximale d'avoir un facteur d'anamorphose inférieur à 1. C'est ce qui a justifié le choix de l'ordre +1 au paragraphe 3.
La largeur typique à mi-hauteur de la tache image au foyer du télescope utilisé en longue pose est de l'ordre de 2.1 pixels. On trouve donc :
dl = (2.1 . 9.10-3 . 80 . 0.797 . 102.7) / 90 = 1.4 A
D'après la formule (11) nous calculons le facteur d'échantillonnage dans ces conditions :
h = dl / P = 1.4 / 0.924 = 1.5
Il apparaît que nous violons ici le théorème de
Shanon si la résolution de 1.4 A est effectivement atteinte. En
pratique, la résolution est sensiblement moins importante car nous
n'avons pas comptabilisé les aberrations des optiques dioptriques
constituant le spectrographe (objectif collimateur et objectif de chambre).
Mais il faut reconnaître que l'analyse des spectres réalisés
avec ce spectrographe montre clairement que le sous-échantillonnage
est un facteur de légère dégradation de performance
(il faudrait ici utiliser un CCD ayant des pixels de 6 microns de coté
et non pas 9 microns).
L’étendu spectrale en Angstroms observable en une seule image est donnée par la formule :
(17) L = P . X
avec P la dispersion en A/mm et X largeur du CCD en mm le long de la dispersion.
Avec le KAF-0401E (ou le KAF-0400) nous avons X=6.91 mm et puisque P=102.7 A/mm : L = 710 A
Pour pouvoir explorer l’étendue spectrale accessible à
un CCD comme le KAF-0401E, de 3000 A à 10000 A, il sera nécessaire
de faire pivoter le réseau en faisant évoluer l'angle a.
La transmission optique du spectrographe est une fonction de :
t1 = le coefficient de réflexion du miroir primaire = 0.90
t2 = le coefficient de réflexion du miroir secondaire = 0.90
t3 = le coefficient de transmission du collimateur = 0.80 (14 surfaces
optiques traitées antireflet avec un coefficient de réflexion
de 0.985)
t4 = le coefficient de transmission de l’objectif = 0.80
t5 = le coefficient de transmission des hublots non traités
(caméra et CCD) = 0.72
G = le rendement du réseau = 0.60
La transmission t est alors :
(18) t = t1 . t2 . t3 . t4 .t5 . G
L'application numérique donne : t = 0.22
9 - LA SENSIBILITE DU SPECTROGRAPHE
Dans le cas de l’observation d’un source ponctuelle (étoile) on définit par sensibilité S comme étant la sensibilité exprimée en nombre d’électrons par seconde et par pixel pour un flux incident de 1 photons par centimètre carré par seconde et par Angströms à l'entrée du télescope :
(19) S = t . s . RQE . P
Nous allons faire le calcul autour de la raie H-alpha, c'est-à-dire vers 6500 A.
Nous avons :
t = la transmission optique = 0.22 (voir paragraphe 8)
s = la surface collectrice du télescope = 238 cm2
(D=19 cm, obstruction de 0.4)
RQE = Le rendement quantique du CCD = 0.55 (CCD KAF-0401 E à
6500 A)
P = L’intervalle spectral couvert par un pixel (échantillonnage
du spectre en A/pixel) = 0.924 A (voir paragraphe 5)
d'où S = 26.6 électrons/seconde/pixel pour un flux de
1 photon/cm2/seconde/Angstroms.
Nous allons calculer le nombre d'électrons C générés en un point du spectre :
(20) C = E . S . Ta . Tf . e . Nd
Dans cette formule C représente le nombre d'électrons intégrés dans une surface de Nd . Ns pixels, avec Nd le nombre de pixels additionnés suivant l'axe de la dispersion et Ns le nombre de pixels additionnés suivant l'axe perpendiculaire à la dispersion.
De plus nous avons :
E = l'éclairement de l'étoile en dehors de l'atmosphère
photons/cm2/s/A.
S = la sensibilité calculée au paragraphe 9.
Ta = la transmission de l'atmosphère. Nous utilisons une valeur
passe partout pour un site de plaine Ta = 0.7, ce qui représente
une perte en magnitude de 0.4 par rapport à une observation en dehors
de l'atmosphère.
Tf = la transmission de la fente d'entrée du spectrographe.
Ici il n'y a pas de fente et nous pouvons écrire Tf = 1.
e = la fraction de l'énergie de l'étoile
intégré dans Ns pixels perpendiculairement à la dispersion.
Ici nous considérons que le binning suivant l'axe transverse permet
de récupérer la quasi-totalité du signal, d'où
e = 1.
Nd = le nombre de pixels additionnés suivant l'axe de la dispersion.
Ici, puisque nous avons tendance a sous-échantillonner le spectre
il n'y a pas intérêt à binning suivant la direction
du spectre pour ne pas perdre en résolution, aussi Nd = 1.
Le tableau suivant donne l'éclairement spectral produit par une étoile de magnitude 0 et de type spectral A0V (ce sont les caractéristiques de Véga) en dehors de l'atmosphère :
Longueur d'onde (A) Eclairement (photons/cm2/s/A)
4000
1620
4500
1453
5000
1167
5500
990
6000
833
6500
700
7000
620
7500
536
8000
483
A 6500 A nous aurons pour l'étoile Véga (magnitude 0) un signal d'environ :
C0 = 700 . 26.6 . 0.7 . 1.0 . 1.0 .1.0 = 13000 électrons par seconde.
Il est facile de calculer le signal pour étoile de magnitude quelconque m :
(21) C = C0 . 10-0.4 . m
Calculons par exemple le signal pour une étoile de magnitude
7 (m = 7). On trouve C = 21 électrons par seconde.
11 - LE RAPPORT SIGNAL A BRUIT
Pour déterminer si notre étoile de magnitude 7 sera correctement observable pour un temps de pose donné, il nous faut calculer le rapport entre le signal et le bruit (S/B). On a l'habitude de dire que le signal sort du bruit si S/B > 3. En pratique, lorsqu'il s'agit de faire des mesures (morphologie des raies dans le cadre du programme d'observation des étoiles Be) il faut un S/B nettement supérieur. Nous considérons que le spectre est exploitable si S/B > 20.
Le rapport signal à bruit est donné par la relation :
(22) S/B = (C . Ti) / SQR(C . Ti + Ns . (B+D) . Ti + (Ns / Nb) . Nr . s2)
SQR( ) désigne la racine carré et avec :
Ti = le temps de pose en secondes.
C = le signal en électrons/seconde de l’étoile après
le binning vertical (axe perpendiculaire à la dispersion).
B = le signal du fond de ciel en électrons par seconde et par
pixel
D = le signal thermique en électrons par seconde et par pixel.
Ns = le nombre de pixels dont le contenu est sommé suivant l’axe
vertical (ce peut être des pixels additionnés arithmétiquement
à posteriori ou binnés lors de l'acquisition).
Nb = le nombre de pixels binné à l’intérieur du
CCD lors de l'intégration suivant l’axe perpendiculaire à
la dispersion.
Nr = le nombre d’images ajoutées pour atteindre le temps de
pose Ti.
s = le bruit de lecture de la caméra
en électrons = 17 électrons pour la caméra Audine
Dans un site urbain, où les tests du spectrographe décrit dans l’exemple ont été réalisés, la brillance du fond de ciel est très élevée. Elle correspond à une magnitude R de 16.6 par arcsec2. Le signal correspondant mesuré avec le spectrographe est de 40 électrons/seconde.
On considère que le refroidissement du CCD est suffisant pour rendre le courant d'obscurité négligeable, soit D = 0.
Il faut donner au paramètre Ns une valeur suffisamment grande pour intégrer l'essentiel du signal stellaire. Si FWHM est l'étalement transverse du spectre en pixels (suivant l'axe perpendiculaire à la dispersion), il faut que Ns soit égal à 3 . FWHM pour intégrer 99% du signal. On observe un étalement transverse du spectre de l'ordre de 2 pixels, donc Ns=6.
On suppose que l'on ne fait pas de binning à l'intérieur du CCD suivant l'axe transverse lors de l'acquisition. D'où Nbin=1.
On fractionne la pose longue en poses plus courtes pour parer tout problème de guidage qui ferait perdre de la résolution spectrale en raison de l’absence de fente d’entrée. On va calculer le rapport S/B pour étoile de magnitude 7 en supposant un temps d'intégration total de 1260 secondes fractionné en 7 poses de 180 secondes chacune.
On a alors :
S/B = (21 . 1260) / SQR(21 . 1260 + 6 . (40 + 0) . 1260 + (6 / 1) . 7 . 172) = 45
Le spectre de notre étoile de magnitude 7 sera donc exploitable en intégrant 20 minutes environ, ce qui couvre l'objectif du cahier des charges.
On notera que la part prépondérante du bruit provient du signal du fond de ciel. Pour améliorer la situation il faut soit observer sous un ciel plus noir, soit placer une fente large au foyer du télescope (de quelques millimétres de largeur). En diminuant par 2 le niveau du fond de ciel, S/B passe à 60.
Le bruit de lecture du CCD a ici un impact tout à fait marginal. Dans ces conditions, dit de régime de bruit de photons, le temps de pose en secondes nécessaire pour atteindre un certain S/B est donné par la formule :
(23) Ti = (S/B2 . (C + Ns . (B + D)) / C2
Par exemple on vérifiera bien que pour atteindre un S/B de 45 avec une étoile de magnitude 7 il faudra poser :
Ti = (452 . (21 + 7 . (40 + 0)) / 212 = 1200 secondes.
12
- LA REALISATION ET LES REGLAGES
Le spectrographe qui nous venons de décrire a été construit en deux heures de temps lors d'une soirée à grand renfort de planches de bois, de clous et de ruban adhésif double-face ! Dans la nuit qui a suivit les premiers spectres ont été réalisés avec les performances maximales calculées (voir plus loin)...
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