CORRECTION
DU BASCULEMENT DU PLAN FOCAL
DANS UN SYSTEME DE PRISE DE VUE PHOTO REFLEX
Lors des prises de vue avec un dispositif photographique il n'est pas rare de noter un point de focalisation pour la meilleure image qui évolue en fonction de l'endroit considéré à la surface du détecteur. Le plan de meilleure mise au point ne peut alors être confondu avec le plan de la surface sensible du capteur. La source du problème est bien souvent un défaut d'alignement des lentilles constituant l'objectif photographique. De fait, il faut bien admettre que la qualité de montage de ces pièces optiques de grande diffusion laisse bien souvent à désirer. Mais le défaut de mise au point différentiel peut aussi être causé par un problème mécanique au sein du boîtier reflex lui-même. J'ai par exemple eu l'occasion de noter un indiscutable et net basculement du détecteur CMOS dans au moins un boîtier de série (un 400D), produisant un sévère défaut d'un bord à l'autre de l'image ! Les flexions mécaniques dues au poids de l'objectif peuvent aussi produire un effet similaire, mais dans le cas d'espèce, la gravité était hors de cause (il est facile de dédouaner cela au besoin en constatant que le défaut ne change pas de signe lorsqu'on pivote le boîtier photo de 180 degrés autour de l'axe optique).
L'image ci-après montre un exemple de défaut de basculement (tilt) du plan focal, malgré l'utilisation d'un matériel de qualité : un boîtier reflex Canon EOS 40D et un objectif Canon 85 mm f:1.2 série L. Le 85 mm en question est une optique particulièrement impressionnante et de très bonne réputation (coûteuse aussi). Indiscutablement, en regard de la luminosité de cet objectif, le piqué d''image est vraiment bon, même avec des boîtiers qui intègrent des capteurs à petits pixels. Pourtant l'examen attentif de l'image ci-après (champ d'étoiles posé 30 secondes avec un 40D, à l'ouverture f/2) montre un défaut d'homogénéité du point qui trahit un léger basculement de l'image. La point a été fait très soigneusement au centre de l'image en s'aidant du précieux mode LiveView du 40D et de la mise au point électrique pilotable par l'ordinateur. Avec le 85 mm f/1.2L, le pas de focalisation électrique élémentaire est estimé à 2 microns seulement, ce qui permet de réaliser des mises au point très précises. Mais une erreur de focalisation de 4 microns donne déjà une effet perceptible avec cette optique, qui est très exigeante.
Les portions d'images ci-dessous montrent le défaut, certes subtil, mais évident et irritant lorsqu'on vise un embrion de perfection en terme de qualité image. Dans cet exemple la netteté de l'image est dégradée dans le haut de l'image (field 1 et 2, les traits verticaux dans ce dernier champs correspondent au filé d'un ensemble de satellites en orbite géostationnaire).
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Il est difficile de savoir qui est responsable entre l'objectif et le boîtier (position du capteur CMOS). L'analyse de la performance donné par cette pièce optique sur plusieurs boîtier semble indiquer que l'objectif lui-même est hors de cause dans le cas présent.
On utilise ici une méthode peu orthodoxe pour corriger, au moins partiellement, le défaut de d'inclinaison du plan focal : une légère sur-épaisseur mécanique est ajoutée localement sur le plan de pose de l'objectif. Pour créer cette petite cale biaise, une épaisseur de ruban adhésif aluminium est déposé sur la baïonnette, comme le montre l'image suivante. La couche d'adhésif (origine Scotch - 3M, au besoin à doubler) représente une épaisseur de 0,10 mm environ. Cet élément mécanique supplémentaire fait levier lorsque l'objectif est en place. Si le ruban est disposé au bon endroit, le défaut de basculement opto/mécanique de départ peut être compensé. Bien sur l'épaisseur ajoutée ne peut être que très fine, car le jeu mécanique du système de baïonnette, quasi nul, empêcherait sinon le montage de l'objectif. Avec une épaisseur de l'ordre de 0,1 mm l'objectif ce monte encore, mais il faut bien sur exercer un effort en rotation plus élevé qu'à l'accoutumé lors de la fixation du dit objectif. Il ne faut pas hésiter à forcer, tout en restant dans le domaine du raisonnable !
Dans l'exemple l'angle de tilt angulaire produit par le ruban adhésif est estimé à 0,0017 radian, soit un variation de la focalisation de 25 microns entre le haut et le bas de l'image. La difficulté principale est de déterminer la position optimale sur ruban adhésif métallique sur le périmètre de la baïonnette afin de compenser au mieux le défaut optique/mécanique de départ. ll faut procéder patiemment, par essais successifs. Par exemple, j'ai défini les 6 zones suivantes :
... et en positionnant successivement le bout de ruban adhésif au niveau de chacune d'elles, j'ai fait des images du ciel en prenant grand soin d'avoir une focalisation précise au centre. Dans les extraits d'images ci-après, on a surveillé la qualité image dans les coins de l'image :
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Field 1 |
Field 2 |
Field 3 |
Field 4 |
Position 1 |
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Position 2 |
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Position 3 |
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Position 4 |
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Position 5 |
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Position 6 |
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Position 6 |
C'est ici la position 6 qui donne le meilleur résultat. Le gain en qualité image est assez notable sur l'extrème bord des images (plus que ne le laisse entendre ces bouts d'images). Malgré ces efforts, l'objectif 85 mm f/1.2 montre une très légère courbure de champ résiduelle, qui fait que le point n'est pas tout à fait le même au centre et sur les bords. La dernière ligne d'image dans la figure précédente correspond à la position 6 refocalisé pour le bord du champ. Le piqué est devenu très homogène sur toute l'image et il ne subsiste guère que des aberrations (modérées) d'ordre élevée, sur lesquelles il n'est pas possible d'agir.
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ici l'image before.jpg (1 Mo), qui montre la netteté avant correction (3 x 30
sec. @ f/2).
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ici l'image after.jpg (1 Mo), qui montre la netteté après correction (3
x 30 sec. @ f/2).
L'opération suggérée n'est pas très joli mécaniquement, quelque peu "rustique", mais elle est efficace pour gommer un défaut de tilt modéré, caractéristique des erreurs jugées acceptables par le fabriquant, mais inaceptables pour une application pointue, telle l'observation de champs d'étoiles. Lorsqu'on travaille avec une optique intrinsèquement de haute qualité, qui ne pardonne rien en matière de focalisation (ici une optique qui pique et qui est très ouverte), la correction de tilt proposée peut rendre de bons services. J'ai très rarement rencontré des couples boîtier reflex/objectif qui ne nécessite pas une telle intervention, malheureusement. J'utilise en permanence une telle cale biaise improvisée avec le 85 mm f/1,2 pour effectuer une couverture grand champ de la voûte céleste (voir ici). Noter qu'il est aussi s'en doute possible d'agir au niveau de l'objectif lui-même en glissant le ruban adhésif métallique (ou une ou plusieurs épaisseurs de feuille de papier tout simplement) entre le corps de l'objectif et la pièce baïonnette male qui si fixe (pièce maintenue par 4 vis crusiformes dans le cas des optiques Canon). C'est s'en doute plus propre mécaniquement parlant, mais moins immédiat du coté résultat et à réserver probablement au réglage final.
Image
"full-frame" de la région de l'amas de galaxies Virgo.
Compositage de 4 clichés posés 3 minutes avec un
Canon 40D + 85 mm f/1.2
@ f/2.8, 200 ISO et après l'ajustement du plan du tilt focal.
Toute le potentiel
du Canon 85 mm est alors révélé.