Stage de spectrographie - Session 1 (3/3) INITIATION A LA SPECTROGRAPHIE Aude - D'accord. Je vous propose de bifurquer en douceur vers la spectrographie instrumentale, mais... avec les moyens du bord. Nous allons sensiblement améliorer la résolution du spectrographe en associant au réseau Jeulin un objectif photographique de 50 mm acheté dans un rebus pour quelques centaines de francs et une simple lentille de Barlow... Christian - Une lentille de Barlow ! Mais j'en ai une pour agrandir mes images sur le télescope ! C'est bien de cela dont tu parle ? Aude - Oui. Tout les astronomes amateurs ou presque possèdent ce type d'additif optique dans leur panoplie. Je vous rappelle dans les schémas suivant le fonctionnement d'une lentille de Barlow. Voici tout d'abord comment se forment les images dans un télescope : l'image d'un objet à l'infini se focalise au foyer primaire. C'est dans ce plan focal que l'on place normalement la surface sensible du capteur CCD : Voici à présent le trajet des rayons lumineux si on interpose une lentille de Barlow entre le foyer et le miroir ou l'objectif de la lunette :
Le foyer du télescope est en quelque sorte reculé. C'est en fait la distance focale de l'ensemble constitué par le télescope et la lentille de Barlow qui augmente, si bien que l'image au foyer résultant augmente de taille. On comprend qu'une lentille de Barlow soit aussi appelée un amplificateur de focale. Le facteur d'amplificateur, 2 fois, 3 fois, etc, est lié à la distance focale propre de la lentille de Barlow et à sa position par rapport au foyer primaire du télescope. Mais il existe une disposition très particulière de la lentille de Barlow que nous allons exploiter. En confondant la position du foyer primaire avec celle du foyer de la lentille de Barlow (son foyer négatif pour être plus précis), voici ce qui se passe : L'image d'une étoile au foyer primaire du télescope est rejetée à l'infini. Raymond - A vrai dire, il me semble qu'il n'y a plus d'images du tout ! Aude - Si, cette image existe mais elle ne se forme plus dans un plan focal. Pour tout dire, l'instrument dans cette configuration n'a plus de foyer. On dit que c'est un afocal. Les rayons arrivent de l'infini à l'entrée du télescope (une étoile c'est loin !), et à la sortie, ils repartent vers l'infini. Christian - OK, mais en quoi cela nous intéresse pour la spectrographie. Aude - Tout à l'heure j'ai utilisé l'expression "d'hérésie optique" pour qualifier le fait que l'on puisse mettre le réseau à diffraction dans le faisceau convergeant du télescope. Mais soyons moins intégriste. Au prix de quelques concessions sur la qualité optique, et à partir du moment où le télescope est plus fermé que F/D=6, c'est une option viable pour faire des spectres, je l'ai montré tout à l'heure au travers de quelques exemples. Cependant, les nombreuses aberrations optiques introduites par le réseau disparaissent comme par enchantement si au lieu de l'éclairé par un faisceau de lumière convergeant il l'est par un faisceau de lumière parallèle. C'est très exactement ce donc nous disposons à la sortie du montage afocal : tous les rayons issus d'un point du champ image du télescope, une étoile par exemple, sont parallèles après la lentille de Barlow. Raymond - J'ai compris ! Tu va mettre le réseau Jeulin juste après la Barlow ! Aude -
Exact ! Voici comment les choses ce présentent A la sortie du réseau, la lumière
de l'étoile est dispersée en un spectre. Mais ce spectre se forme
à l'infini. Pour en faire une image sur le CCD il nous faut interposer
un objectif supplémentaire...
Pour que le spectre soit net, puisque l'image provient de l'infini, le plan de la surface sensible du CCD est placé au foyer de l'objectif. Alain - C'est là que tu utilise l'objectif photographique ? Aude - Tout à fait. Je vais vous montrer dans un instant un exemple avec un vieil objectif photographique de marque Fujinon de 55 mm de focale à f/1,8. Alain - Ces caractéristiques de l'objectif sont importantes ? Aude - Il faut faire attention. Tout devrait être clair si je vous dis que dans les formules mathématiques que j'ai écrites tout à l'heure, qui décrivent la formation du spectre, il suffit ici de remplacer la variable D (la distance entre le réseau et le plan focal) par la distance focale de l'objectif, que j'ai noté Fo dans la figure précédente. Alain - Si je comprends bien, la dispersion du spectre en angstroms par pixel du CCD sera donnée par : Aude - C'est bien ça, vous remplacez D par Fo dans toutes les formules. Faisons l'application numérique pour le calcul de la dispersion autour de la raie de l'hydrogène à 6563 A et avec le réseau Jeulin de 100 traits au millimètre : Cela commence à devenir une dispersion importante. Si la distance focale de l'objectif est trop longue, le spectre va devenir si grand qu'il va déborder du CCD. De plus il n'est pas toujours souhaitable d'avoir une grande dispersion si vous devez observer des objets faibles, je vous le rappelle. Raymond - Mais il me semble qu'il est possible d'améliorer le schéma optique Aude en inclinant l'objectif photographique ? Aude - Bien vu : Avec un CCD du type KAF-0400 (768 x 512 pixels) il faudra tourner l'ensemble objectif - caméra CCD de 2° environ. De cette manière vous aurez sur la même image à la fois le spectre d'ordre 1 et l'image d'ordre zéro, cette dernière restant important pour réaliser l'étalonnage spectral. Si vous avez la chance de posséder un grand CCD du type KAF-1600 (1536 x 1024 pixels) vous pouvez très bien laisser l'objectif dans l'axe du télescope, les spectres d'ordre 0 et 1 logeant alors facilement sur la vaste surface sensible disponible. Christian - Et pour la Barlow, je peux choisir indifféremment un modèle 2x, un modèle 3x, un modèle 5x ? Aude - Il faut si possible choisir le modèle qui offre le plus faible facteur d'amplification. Normalement, la lentille correspondante sera aussi celle qui aura la distance focale la plus longue. Christian - Euh, comme ça, là, je ne vois pas l'intérêt ! Aude - Rappelez-vous tout d'abord que la distance focale de l'objectif photographique est de 55 mm. Supposons que la distance focale de la lentille de Barlow soit de -55 mm. Je mets un signe moins parce que c'est une lentille divergente. Dans ce cas, la dimension des étoiles sur le CCD sera la même que celle que l'on observerait au foyer direct du télescope. Adoptons à présent une lentille de Barlow dont la distance focale est de -110 mm. Et bien, faite moi confiance, les étoiles deviendrons deux fois plus fines sur le CCD. J'ai constitué ainsi un réducteur de focale qui diminue le grandissement de l'instrument d'un facteur 2. Si je note G ce grandissement et si Fb est la distance focale de la lentille de Barlow, nous auront : Il est très intéressent d'avoir un faible grandissement, c'est-à-dire G inférieur à un, car alors les étoiles sont de petite taille linéaire sur le CCD, ce qui accroît la résolution spectrale. Rappelez-vous, c'est comme si on observait le spectre au travers d'un trou de petite taille. A l'inverse, une lentille de Barlow qui aurait une distance focale plus longue que celle de l'objectif détériorait la résolution spectrale. Cette dernière configuration est à proscrire absolument ! Alain - Mais comment je connais le distance focale d'une Barlow, la seule information dont on dispose, c'est le facteur d'amplification ? Aude - C'est une difficulté. Il n'y a pas une relation directe entre la distance focale et le facteur d'amplification. Seules des mesures optiques que je n'aborderais pas ici permettent de trouver la focale. Je vais me contenter de vous donner les valeurs sur des lentilles de Barlow que j'ai pu effectivement mesurer. Elles proviennent d'une grande marque : TeleVue, et elles sont faciles à trouvées. La distance focale de la lentille du modèle 1,8X est de -124 mm environ. Celle du modèle 2,5X est de -64 mm environ. Puisque j'utilise un objectif photographique de 55 mm, ces deux Barlow conviennent donc. J'aurai une petite préférence pour le modèle 1,8X qui procure un grandissement de 0,43. Vous pouvez aussi bien sur utiliser un objectif photographique de focale plus courte, un 35 mm par exemple. Mais il ne faut pas non plus exagérer : en réduisant à l'extrême la distance focale globale de l'instrument, vous augmentez aussi sa luminosité. Cela signifie que le fond de ciel sur lequel ce projète le spectre devient de plus en plus intense et finit par brouiller l'information des astres faibles. C'est un problème qui peut devenir sérieux en ville. Par exemple si G=0,5 les étoiles seront certes deux fois plus fines qu'au foyer direct, mais le niveau du fond de ciel va augmenter d'un facteur 4 ! Raymond - Que faut-il faire alors ? Aude - Essayez de ne pas descendre en dessous de G=0,5 si votre ciel est pollué. A la campagne c'est bien sur un peu différent. La vrai parade à ce problème de fond de ciel parasite est d'adopter un montage de spectrographe comprenant une fente. On fait passer la lumière de l'étoile analysée au travers de cette fente, mais celle-ci est suffisamment fine pour bloquer une bonne part de la lumière provenant du fond de ciel. Un tel aménagement n'est pas possible avec notre spectrographe à lentille de Barlow. C'est un montage dit sans fente. Que cela ne vous pose pas trop de problème : on trouve des dispositions similaires sur des instruments très chers comme le Very Large Telescope ou le télescope Spatial de la NASA. Ce sont des spectrographes sans fentes, spécialisés pour acquérir le spectre simultanément de nombreux objets faibles dans le champ image, comme des quasars, de lointaines galaxies, etc. Je vous proposerais un spectrographe à fente dans le prochain stage. Christian - Et comment assemble-tu tout ceci ? Aude - Voici comment cela ce présente : L'ensemble est supporté par une équerre en métal, mais la matière pourrait être du bois. Je me suis servie d'une face avant de caméra Audine pour disposer d'une interface avec le télescope au diamètre de 42 mm à vis. La lentille de Barlow est logée dans un ensemble de tube allonge pour la macrophotographie (surplus photo). Un peu de ruban adhésif aluminium a permis de grossir la taille du tube inox de la Barlow pour qu'il puisse être monté sans jeux à l'intérieur des tubes allonges. La caméra Audine est équipée de son objectif photographique. Celui-ci est disposé de telle manière qu'il donne une image nette lorsque l'on pointe la caméra en direction d'un objet situé à une grande distance. C'est le seul réglage à réaliser avec ce spectrographe. Raymond - Le réseau Jeulin est simplement monté sur l'équerre ? Aude - Oui, j'ai fait cela très vite, avec les moyens du bord je vous le rappelle. Un peut de ruban adhésif, une fois de plus : Et voici l'assemblage : Noter, c'est important, que la face avant de l'objectif doit être au plus près du réseau pour ne pas perdre de lumière par effet de vignettage. De plus, la lentille de Barlow doit être montée dans le bon sens, exactement comme vous l'utilisée en visuel par exemple. Raymond - Ca pèse combien ? Aude - Environ 1,5 kg. L'essentiel de la masse provient de la caméra et de l'objectif bien sur. Il ne reste plus qu'à monter le spectrographe sur le télescope et à viser la première étoile... ou une rangée de lampadaires... Christian - Tient donc ! Aude - Les lampadaires de l'éclairage public sont les farouches ennemis des astronomes, mais parfois, des alliés des spectroscopistes. Leur spectre présente de nombreuses raies en émission, idéales pour la mise au point de l'instrumentation. Il faut les choisir très lointains pour que la lampe apparaisse pratiquement ponctuelle. Ici, on peut déjà juger que notre spectrographe à Barlow donne de très bons spectres, avec des raies biens fines. Petite révision à présent. Voici le profil spectral de l'étoile Kappa Dragron obtenu le 13 avril 2002 avec notre montage rudimentaire, mais néanmoins efficace, nous allons le voir : Alain - C'est une étoile Be ? Aude - Oui, elle fait partie de la petite liste d'étoiles que je recommande de pointer si on a un petit souci avec l'identification des raies. La distance entre le centre de l'image d'ordre zéro et la raie rouge de l'hydrogène, en émission bien visible, est de 411,6 pixels, soit 3,704 mm puisque les pixels font 0,009 mm de coté. Nous pouvons retrouver la distance focale de l'objectif photographique en faisant : Le résultat n'est pas exactement les 55 mm attendu. La différence est due en partie à des problèmes de distorsion optique de l'objectif. C'est la distance focale déterminée expérimentalement qu'il nous faudra utiliser pour réaliser l'étalonnage spectral, et non pas la valeur théorique. La dispersion est de 15,95 A/pixel autour de 6563 A. Voici à présent le spectre de la brillante étoile Véga réalisé avec le réseau Jeulin de 100 traits/mm et la lentille de Barlow. Le spectre est bien plus régulier en largeur qu'il ne l'était lors du montage dans le faisceau convergeant. Il ne s'évase que vers 4000 angstroms, en raison du chromatisme de l'optique : Sur le graphe suivant j'ai tracé pour comparaison le spectre de 69 Leo réalisé avec le réseau Jeulin dans le faisceau convergeant et le spectre de Véga avec ce même réseau, mais en utilisant la configuration avec la lentille de Barlow et l'objectif photographique. Ces deux étoiles sont d'un type spectral semblable. Le gain en résolution conféré par le nouveau montage est notable : les raies sont bien plus contrastées et profondes. Le petit effort supplémentaire pour affiner les performances du spectrographe n'a pas été vain ! Et le coût reste bien raisonnable... Christian - Hum... tu utilise tout de même un équipement particulièrement sophistiqué. Une lunette fluorite de 128 mm ce n'est pas un instrument que je qualifierais d'économique ! Aude - C'est vrai, et je ne veux pas donner l'impression que ce type d'instrument est indispensable pour aborder la spectrographie. Disons que j'aime bien les lunettes, mais un bon vieux tube optique Celestron 8 de 200 mm de diamètre et de 20 ans d'age peux donner de très bons résultats. Alain - Et avec un gain de près d'une magnitude par rapport à une lunette de 128 mm si je m'abuse ! Aude - Exactement. Voici notre spectrographe à lentille de Barlow monté directement au foyer F/D=10 du Celestron 8. J'utilise ici un réseau Jeulin de 300 traits/mm et un objectif photographique de 80 mm de distance focale pour atteindre une dispersion de 3,7 angstroms/pixel :
Le poids du spectro avec la caméra est de 1,6 kg. Noter qu'un drap noir est un accessoire bien utile pour éviter les entrées de lumière parasite lors des poses longues :
Voici des spectres typiques obtenues avec cet équipage. L'empâtement possible des étoiles provoquée par la longue distance focale du télescope (2 mètres) est bien compensé par l'association de la lentille de Barlow et de l'objectif qui réduit la distance focale résultante de l'ensemble à : J'ai tracé sur le même graphe le profil spectral de l'étoile Vega et d'une étoile Be fameuse : Delta Scorpion. La profondeur importante des raies de l'hydrogène est le signe que la résolution est très bonne. Dans cette configuration vous pouvez saisir le spectre bien lisible d'étoiles de magnitude 8 en réalisant un temps de pose cumulé de 30 minutes environ. Pour Delta Scorpion j'ai additionné 15 poses de 30 secondes d'intégration chacune. Raymond - Un C8 donne-t-il en fin de compte un résultat équivalent à celui d'une bonne lunette fuorite ? Aude - Oui c'est très proche à dispersion semblable. Il y a même un avantage significatif pour le C8 dans le bleu profond en raison de l'absence de chromatisme de la part du télescope. Ceci est bien visible dans le graphe précédent où les raies spectrales demeurent bien contrastées pour des longueurs d'ondes plus petites que 400 nm. Je vous montre dans le graphe suivant le spectre de Vega sur lequel on a pratiqué une correction, dite "en flux", qui corrige le profil spectral observé de la réponse de l'instrument. C'est une opération que je décrirais en détail lors d'un autre stage. Je dirais seulement ici que le profil calculé est tel qu'on l'observerait avec un instrument idéal et hypothétique qui serait sensible de la même manière pour tous les photons, qu'ils soient bleu, vert ou rouge. Je vous ai mis pour comparaisons le spectre observé corrigé de Vega et le spectre issu d'une base de donnée de référence qui montre l'allure théorique d'un profil spectral du même type que celui de Vega : L'opération rehausse la partie bleu du spectre qui a été fortement atténuée au moment de l'acquisition en raison de la mauvaise sensibilité du capteur CCD dans ce domaine spectral. La série des raies de l'hydrogène dans le spectre visible, dite série de Balmer, est très bien définie jusqu'à la longueur d'onde de 3780 angstroms. On remarque le début de la série Pashen pour l'hydrogène dans l'infra-rouge. Les grosses raies présentes dans le spectre observé et pas dans le spectre synthétique sont dues à l'atmosphère terrestre (molécules 02 et H2O). Notez que le spectre observé est une mosaïque de deux spectres, l'un couvrant la partie bleue et l'autre la partie rouge. Pour acquérir ce dernier, un filtre rouge a été placé juste après le réseau Jeulin pour éviter le recouvrement d'ordre vers 8500 angstroms. On appelle ce filtre un "filtre d'ordre". Christian - Finalement le plus cher, c'est la caméra CCD refroidie ! Une Audine en kit cela revient à 800 Euros tout de même. Que peut-on espérer faire avec une webcam à la place ? Aude - Il y a quelques possibilités... Regardez le montage suivant sur la lunette de 128 mm : Christian - Il me semble voir une webcam à l'extrémité de ton montage... plus impressionnant que tout ce que tu nous a montré jusqu'à présent. Aude -
La webcam est le modèle ToUcam Pro de Philips. C'est vrai que ce spectrographe
est plus long que le précédent. Je me suis réservé
ici la possibilité d'aménager une fente au foyer du télescope.
Je vous en dirais plus sur l'intérêt d'une fente dans un prochain stage.
Je n'utilise pas ce dispositif de fente dans ce qui va suivre. Voici le schéma
optique : Simplement, la lentille de Barlow a été remplacé par un objectif photographique de 135 mm de focale. On l'appelle un collimateur. Ceci permet d'accéder au foyer du télescope pour y disposer un trou ou une fente. Pour le reste, c'est pareil. Le réseau est un modèle Jeulin de 300 traits/mm à 45 Euros. L'objectif photographique, juste à l'avant de la Webcam, a une focale de 80 mm. Rappelez-vous la règle : la distance focale du collimateur doit être supérieure ou égale à celle de l'objectif de la caméra CCD. C'est bien le cas ici : 135 mm pour 80 mm. Voici de près ce que cela donne, la structure pouvant être à base de bois et de cornières : Raymond - J'ai entendu dire qu'il existait des caméras webcam modifiées pour permettre des poses longues. C'est ton cas ? Aude - Non, pas ici. Mon modèle est tel que vous pouvez l'acheter chez le vendeur. Mais bien sur, une webcam modifiée décuple les performances, sans toute fois égaler une caméra refroidie spécialement optimisée pour l'observation astronomique. En l'état, voici ce que l'on obtient lorsque l'on vise un lampadaire lointain de l'éclairage public :
Raymond - C'est la version en couleur des images que tu nous a montré tout à l'heure ? Aude - Tout à fait ! La couleur apporte une dimension visuelle spectaculaire, même si sur le plan de l'exploitation des spectres, les CCD couleurs qui équipent les webcam amènent plus de problèmes que d'avantages. Alain - Que veux-tu dire par là ? Aude - Analysons ce spectre de la brillante étoile Véga : C'est une mosaïque de 3 séries d'images qui représentent chacune la somme de 45 images élémentaires réalisées avec le temps de pose le plus long possible (1/5 de secondes environ). Première information, avec une ouverture de 128 mm de diamètre seulement; il est possible d'obtenir un spectre correct de cette étoile. On note que les raies de l'hydrogène sont très bien visibles. Compte tenu de la dispersion assez généreuse et de l'usage d'une webcam de base, ce n'est déjà pas trop mal. A présent, traçons le profil spectral : Les grandes fluctuations dans le profil spectral ne sont pas propres à l'étoiles, mais causées par les caractéristiques des petites filtres colorés disposés en avant du CCD. Le creux important vers le pixels 390 est due à un problème de raccord entre le filtre rouge et le filtre vert. C'est ce type d'incident qui est génant avec les CCD couleurs pour une exploitation scientifique, même si des opérations d'étalonnage permettent d'en lisser les effets. Christian - Qu'elle la magnitude limite avec cette installation ? Aude - La dispersion est ici d'environ 3,7 A/pixel. Dans ce cas, avec une lunette de 128 mm, on peut espérer voir des étoiles de magnitude 3. Mais ceci ne veux pas dire grand chose. Avec un télescope de 200 mm vous allez gagner une magnitude. Vous pouvez viser une dispersion moins grande, de l'ordre de 10 A/pixel, ce qui permet de grignoter une magnitude supplémentaire. Et si en plus la webcam permet de faire des poses longues... Mais il serait plus correct de parler en terme de rapport signal sur bruit. Je n'aborde pas cette question assez complexe ici. A titre d'application, je vous montre la partie rouge du spectre de l'étoile Delta Scorpion, que nous avons déjà appris à connaître tout à l'heure. C'est une étoile Be en forte éruption au moment de l'observation, en avril 2002. J'ai additionné 350 images élémentaires pour obtenir ce résultat : La raie H-Alpha de l'hydrogène est bien visible en émission. Le graphique suivant montre le profil spectral de Delta Scorpion en utilisant uniquement la composante R de l'image RVB produite par la caméra :
Pas trop mal comme résultat obtenu alors que le spectrographe est équipé d'une caméra de quelques centaines de francs. Dans les prochains stages, je vous proposerai d'aller plus loin encore et nous nous pencherons en détail sur le problème de l'étalonnage des spectres. Mais vous avez déjà un outil puissant en main. Alors bonnes observations ! Retour à la page d'accueil du stage Page précédente Page suivante |